“Seulement 20% des entrepreneurs se font accompagner alors que l’accompagnement est un vrai facteur de réussite du projet” Jean-Luc Vergne, Président de BGE

"Seulement 20% des entrepreneurs se font accompagner alors que l’accompagnement est un vrai facteur de réussite du projet" Jean-Luc Vergne, Président de BGE

Anciennement Boutiques de Gestion, BGE est un réseau d’accompagnement des entreprises à tous les stades de leur développement depuis l’idée jusqu’à leur croissance. Un réseau qui existe depuis 35 ans et qui a accompagné 17100 entreprises en 2014, créant 28600 emplois. Les conseillers BGE qui accueillent et accompagnent les entrepreneurs sont des professionnels qui bénéficient régulièrement de formations, permettant à ceux-ci d’atteindre 74% de pérennité à 3 ans.

Jean-Luc Vergne, Président de BGE a répondu à nos questions sur cette vague entrepreneuriale qui déferle actuellement sur la France, ainsi que sur l’importance de se faire accompagner pour les entrepreneurs :

Jean-Luc Vergne

Quelle est la valeur ajoutée de BGE par rapport à tous les autres réseaux d’accompagnement des entrepreneurs ?

Chez BGE nous intervenons en amont du parcours de création de l’entrepreneur, au moment où le projet commence à se construire. Concrètement, nous accompagnons le porteur de projet dans l’émergence de son idée, la construction de son étude de marché et validons avec lui la faisabilité de son projet. Nous l’aidons à maîtriser son projet, préalable nécessaire à la rédaction de son business plan. Nous l’aiguillons ensuite vers les potentiels financeurs tels que les réseaux de financements et les banques.

Nous intervenons également en aval du projet, dans la phase de développement de l’entreprise notamment dans le développement de sa stratégie commerciale.

Par ailleurs, nous menons des actions de sensibilisation à l’entrepreneuriat en direction des publics éloignés du sujet : dans les écoles, dans les quartiers populaires ou les zones rurales avec nos « BGE Bus » par exemple. L’objet n’est pas d’inciter tout le monde à devenir entrepreneur, mais de dire que dans un parcours professionnel, il y a cette option à prendre en compte. C’est également l’occasion de parler de l’objet « entreprise », sa réalité, ses fonctionnements …

Aujourd’hui et depuis 35 ans, nous sommes les seuls à proposer cet accompagnement, accompagnement réalisé par des professionnels de la création d’entreprise, et qui s’adresse principalement à une cible de TPE.

L’objet n’est pas d’inciter tout le monde à devenir entrepreneur, mais de dire que dans un parcours professionnel, il y a cette option à prendre en compte

D’ailleurs, ne trouvez-vous pas qu’il y en a trop aujourd’hui, surfant sur cette tendance du “tous entrepreneurs” ? Sont-ils utiles, apportent-ils vraiment quelque chose aux entrepreneurs ?

Aujourd’hui seulement 20% des entrepreneurs se font accompagner alors que l’accompagnement est un vrai facteur de réussite du projet. Cette variable a été analysée par le BIT (Bureau International du Travail) en partenariat avec France Stratégie, la Caisse des Dépôts et l’Institut CSA, auprès des 2 grands réseaux d’accompagnement (BGE et Réseau Entreprendre) et des 3 grands réseaux de financement (Initiative France, France Active et l’Adie). En 2014, le taux de pérennité à 3 ans est de 77% pour les entreprises accompagnées versus 67% en moyenne nationale.

Nous, les réseaux d’accompagnement et de financement de la création d’entreprise, avons des métiers très différents et malheureusement pas toujours bien compris. Ce qui nous importe, c’est que les entrepreneurs trouvent des solutions pour monter leur projet. C’est pourquoi nous développons les collaborations inter-réseaux afin de proposer des parcours complets, d’offrir une meilleure lisibilité de l’offre et de toucher un plus grand nombre de bénéficiaires. En Pays de la Loire, la Fédération Force est un exemple réussi de coopération entre les principaux réseaux d’accompagnement et de financement au service des porteurs de projet, notamment dans des territoires où l’accès à l’information est plus difficile.

Nous ne faisons pas le même métier que les incubateurs qui sont là pour accueillir des projets innovants. Cela permet à des étudiants de tester de nouvelles idées, de créer des prototypes, d’avoir une stratégie d’innovation. En revanche, ces structures ne permettent pas de travailler sur la stratégie commerciale, d’apprendre à vendre son produit, ce qui reste déterminant.

Aujourd’hui seulement 20% des entrepreneurs se font accompagner alors que l’accompagnement est un vrai facteur de réussite du projet

Cette tendance “tous entrepreneurs”, vous la ressentez vraiment au quotidien, ou est-ce du marketing ? Y a-t-il une hausse des souhaits ou de véritables projets ? A quoi est-ce dû selon vous ?

Le nombre de créations d’entreprise est stable en France : environ 500 000 chaque année depuis la création du statut d’autoentrepreneur. Il est même en légère baisse depuis un an (-2,4 % selon l’INSEE). Toutefois, nous n’avons jamais autant parlé entrepreneuriat dans les médias, en politique … Il y a une véritable envie de créer une culture et une dynamique entrepreneuriale en France. Ce n’est pas pour cela que tout le monde va devenir entrepreneur. Tout le monde n’est pas fait pour entreprendre. En revanche, des entrepreneurs il y a en partout, dans tous les territoires et au sein de toutes les catégories de la population. Et c’est pour cela qu’il est essentiel d’être présent partout en France, afin de déceler ces potentiels entrepreneuriaux.

Chez BGE, nous mesurons un passage à l’acte de 30%. Concrètement, 52 000 porteurs de projet entrent dans un parcours d’accompagnement BGE chaque année et 17 100 vont vraiment créer. Nous validons ici la posture entrepreneuriale : tout le monde n’est pas armé pour gérer le stress de l’entrepreneur et prendre les risques inhérents au projet. Mais cela n’a rien à voir avec un niveau d’étude ou un environnement socio-culturel. Nous validons bien sûr ici aussi la faisabilité du projet et la cohérence personne-projet. Et nous les amenons dès le début à avoir une vision de leur développement à plus long terme.

Cet engouement autour de l’entrepreneuriat est également à rapprocher du taux de chômage grandissant. S’il est vrai qu’entreprendre peut permettre de créer son propre emploi, ne faisons pas une dichotomie entre créer son entreprise et créer son emploi. La motivation à créer son propre emploi n’est pas suffisante pour créer son entreprise. Servons nous de la création d’entreprise pour offrir de nouvelles perspectives professionnelles et créer de la richesse, pas pour sortir des statistiques.

Il y a une véritable envie de créer une culture et une dynamique entrepreneuriale en France. Ce n’est pas pour cela que tout le monde va devenir entrepreneur. Tout le monde n’est pas fait pour entreprendre

Justement l’emploi est en berne, alors que les créations d’entreprises augmentent, pourquoi n’embauchent -elles pas ? Que vous disent les chefs d’entreprise sur ce point ?

Jusqu’à très récemment, les TPE étaient absentes du débat public sur l’emploi. Un point difficile à comprendre au regard de leur poids dans le tissu économique français actuel : 2,3 millions de personnes soit 20% des salariés travaillent au sein d’une TPE.

Des mesures purement sociales, comme celles annoncées par le Plan « Tout Pour l’emploi » du Premier Ministre en juin dernier ne suffiront pas à créer plus d’emplois car elles n’agissent pas directement sur le nœud du problème. Pour créer concrètement des emplois, les TPE doivent faire grossir leur chiffre d’affaires. Pour augmenter son chiffre d’affaires, il faut vendre et innover. Pour ce faire, les TPE ont besoin d’être accompagnées dans le développement de leur stratégie commerciale, d’avoir accès à des ressources et d’être insérées dans des stratégies de développement local avec les collectivités et les grandes entreprises. Chez BGE, aujourd’hui, nous développons des outils et des partenariats pour répondre à ces problématiques.

Problématiques qui ont été exprimées par les chefs d’entreprise eux-mêmes, que nous recevons lors des Ateliers TPE. L’objectif : échanger avec eux sur leurs problématiques actuelles et sur l’actualité de leur environnement pour trouver des solutions afin de lever collectivement les freins à leur développement.

La motivation à créer son propre emploi n’est pas suffisante pour créer son entreprise

Quel regard portez-vous sur cette vague de startups qui déferle sur Paris et la France ? Ainsi que sur la frénésie financière qui les entoure, notamment avec les levées de fonds ?

La dynamique que créent les start-up est très intéressante car elle constitue un moteur pour l’ensemble des porteurs de projet. On y découvre d’autres façons d’inventer, des jeunes en capacité d’agir, de nouveaux modèles à explorer.

Mais ce n’est qu’une petite partie de la réalité entrepreneuriale en France. Ce que l’on regarde de notre côté c’est comment créer du lien entre les entreprises classiques et les start-up, notamment sur le développement des stratégies commerciales.

Comment voyez-vous l’avenir entrepreneurial français ces 2 prochaines années ?

La génération d’entrepreneurs qui arrive sur le marché a un comportement naturellement très collaboratif. Ce qui constitue un important levier de croissance. A condition d’organiser le système, notamment pour les TPE qui sont nombreuses, hétérogènes et peu fédérées.

En mettant en réseau les dirigeants de TPE, nous leur permettons de créer de nouvelles opportunités de business, de mutualiser pour accéder à l’expertise et à l’innovation et d’assurer ainsi la compétitivité et la pérennité de leur projet. Il est essentiel de faire parler les TPE entre elles mais également au sein de leur territoire avec les plus grandes entreprises et les collectivités afin qu’elles puissent construire leur développement sur les besoins et les opportunités de ce même territoire.

Les startups ne sont qu’une petite partie de la réalité entrepreneuriale en France