“Dorénavant, les gens devront aussi apprendre à créer leur job” Jérémy Lamri – Monkey Tie & Lab RH

"Dorénavant, les gens devront aussi apprendre à créer leur job" Jérémy Lamri - Monkey Tie & Lab RH

La crise de l’emploi, chacun a son avis dessus. De celui qui pense que tous les salariés vont bientôt être remplacés par des robots à celui qui affirme que chacun devrait se bouger pour créer son propre emploi, pas une conversation mondaine n’omet d’en parler en ce moment. Qui a tort, qui a raison ? Tout le monde et personne si on en croit Jérémy Lamri, cofondateur de Monkey Tie (un moteur de recherche d’emplois qui met l’accent sur la personnalité des candidats avant leur CV) et du Lab RH (une association qui accompagne les entreprises dans leur transformation des ressources humaines), qui distingue les “tâches routinières, qui sont facilement compréhensibles et réalisables par tout le monde, qu’elles soient manuelles ou intellectuelles et qui seront à terme déléguées à des machines” et de l’autre côté les “tâches non routinières qui demandent de la créativité, de résoudre des problèmes complexes, de manager des gens, des tâches dans lesquelles l’humain apporte de la valeur et qui sont l’avenir“.

jeremy lamri

Le problème qui se pose aujourd’hui et qui va s’accentuer ces prochaines années, c’est “que faire de tous ces salariés qui occupent ces jobs routiniers lorsqu’ils n’auront plus d’emploi ?“. Un phénomène déjà observé depuis les années 80 et la désindustrialisation de la France, lorsque des plans sociaux laissent sur le carreau des centaines de salariés faute d’avoir les compétences nécessaires et les formations adéquates pour se tourner vers un nouveau métier. Un gros problème qui commence dès l’école explique Jérémy, qui conduit actuellement une thèse de doctorat en sciences cognitives, justement sur cette problématique des tâches routinières ou non, en parallèle de son activité de chef d’entreprise de 16 personnes. “L’école devrait enseigner 4 compétences de bases“, selon lui, “la créativité, qui permet d’avoir des idées en toutes situations ainsi qu’un esprit critique permettant de toujours trouver des solutions“, mais aussi “apprendre à travailler en équipe pour communiquer avec les autres, échanger les idées, faire plus de choses et se démarquer, le tout en assurant une bonne coopération“. Tout ce que l’éducation à la française n’apprend pas aujourd’hui selon Jérémy. Pourtant, c’est seulement ainsi que “les travailleurs apportent de la valeur à leur entreprise”. Mais c’est aussi grâce à cela qu’ils sont “capables de créer leur propre job plutôt que d’attendre d’en dénicher un, leur permettant de trouver leur place dans la société“.

Dorénavant, les gens devront aussi apprendre à créer leur job

Aujourd’hui, il faut avoir “la capacité à se rendre employable, et cela passe par le développement personnel continu, ou encore appelée intelligence intrapersonnelle” ajoute Jérémy. “Le patrimoine génétique ne compterait que pour 20% dans le développement de la créativité chez l’être humain, et pourtant seule 15% de la population en fait preuve dans sa vie professionnelle“. Être créatif n’est donc pas inné comme on a tendance à le croire, mais au contraire cela s’apprend tout au long du développement de l’enfant et de l’adolescent. Hors celle-ci est bridée, l’école rendant les élèves passifs, ingurgitant du savoir dispensé par un professeur faisant autorité. “80% de la population pourrait être rendue employable à travers l’éducation“, quand y pense. Il suffirait de revoir le système… Facile à dire, mais aujourd’hui les pouvoir publics préfèrent investir pour “limiter la casse” lors de licenciement massif avec des plans de retour à l’emploi au côté “palliatif plutôt que préventif“. Si l’État s’en donnait les moyens, et avait le courage d’une vraie réforme de l’éducation, “les gens pourraient être armés contre le chômage, qui ne serait alors plus une fatalité“. Si chacun avait la capacité à créer son job et à se prendre en mains, plutôt qu’attendre un plan social qui va tenter de “les recaser dans un même emploi coûte que coûte“, les salariés n’auraient plus peur des mutations du monde du travail qui s’inscrivent inéluctablement dans un avenir proche. “Peut-être que la France le comprendra lorsque le pays n’aura absolument plus le choix et que les entreprises feront pression pour que le monde éducatif fabrique des salariés armés pour le nouveau monde professionnel ?” s’interroge Jérémy, ajoutant qu’actuellement les “français souffrent de cette situation et sont malheureusement dans le déni” de ce nouveau monde qui s’ouvre à eux, mais qu’ils ne comprennent pas.

La compétitivité d’un État se mesure à son capital humain

Fort heureusement, certains l’ont compris et n’attendent pas que l’école s’adapte au monde du travail. C’est sur ce constat que Jérémy a créé le Lab RH avec Boris Sirbey, cofondateur de My Job Company, il y a un peu plus d’un an. “La fonction RH doit évoluer“. 170 startups spécialisées dans la fonction RH ont rejoint l’association. Elle est soutenue par Pôle Emploi, le ministère de l’emploi et du travail, ainsi que le ministère de l’économie. “Notre objectif est d’aider les entreprises à innover dans l’univers RH. Nous leur proposons des formations, du conseil, nous les accompagnons à repenser l’expérience candidat notamment“. Le Lab RH a pris une ampleur énorme depuis sa création “nous ne démarchons pas, les entreprises viennent à nous, elles ont compris que la transformation de l’entreprise passera par les ressources humaines et par l’humain, tout simplement“. Mais attention “nous ne travaillons qu’avec celles qui sont prêtes, pas celles qui veulent un effet d’annonce, parce que cela fait bien dans les médias. Elles doivent être capables de faire des concessions, des compromis et faire bouger les lignes“. C’est le cas d’ENGIE, BPI Group, Microsoft, ManPOwer et bien d’autres. “On refuse une entreprise sur deux en moyenne, et on en a actuellement une dizaine en attente” ajoute Jérémy, “principalement des grands groupes, car les PME ne sont pas encore sensibilisées sur le sujet“.

L’intérêt du collectif doit l’emporter sur l’intérêt d’un seul pour transformer la société