Un entrepreneur peut-il (re)devenir salarié ?

Un entrepreneur peut-il (re)devenir salarié ?

La question revient souvent en boucle lorsqu’on est entrepreneur : pourrais-je un jour (re)devenir salarié(e) ? Si besoin ou en cas d’opportunité. Et la réponse n’est pas si facile que cela… Entre ceux qui ne l’ont jamais été et n’y pensent même pas sauf dans leur pire cauchemar, et ceux qui ont monté leur boite mais se demandent chaque jour s’ils n’auraient pas mieux fait de s’abstenir quand on voit les difficultés de l’entrepreneuriat, le débat fait rage.

Au fond de nous on espère n’avoir jamais besoin d’y retourner et vivre correctement de notre entreprise. Mais dans les faits ce n’est pas toujours facile. Entre la phase de lancement et développement, il peut se passer 3 ans avant de pouvoir se verser un salaire, et quand on dit salaire… Quand on se verse le SMIC c’est la fête ! Nombreux sont ceux qui profitent de leur période de chômage pour se lancer, assurant ainsi leurs arrières pour subvenir à leurs besoins familiaux, mais qui mettent la clé sous la porte passé 2 à 3 ans réalisant que vivre avec 520€ de RSA ce n’est pas jouable si on veut offrir une vie confortable à ses enfants. On peut aussi mettre en place une stratégie de dé-consommation, réduire ses dépenses et vivre chichement, au risque de passer pour un looser auprès de ses amis de promos qui eux, ont une maison avec piscine, un 4X4, deux voyages par an à l’autre bout du monde et ne comptent plus (et un bullshit job pour certains, mais cela ils ne le disent jamais), mais chacun fait ses choix de vie.

Alors voilà parfois on y pense, on essaie de se convaincre d’y aller, on se dit qu’on sera plus à l’aise financièrement, qu’on va renouer avec le vrai monde du travail, avoir un emploi du temps, se servir de son diplôme officiellement, et ce sera une expérience. Sauf que dans la réalité ce n’est pas du tout cela. Certes on peut trouver un job, même assez facilement dans mon domaine initial par exemple, la pharmacie, mais à quel prix ? Perte de notre liberté, de notre autonomie, de notre force de proposition, de nos capacités d’innovation, etc… Sur la page Facebook de Fractale où j’ai lancé le débat, beaucoup m’ont répondu qu’ils seraient prêts à redevenir salariés s’ils trouvaient un job où ils pourraient valoriser leurs compétences, être reconnus, que les tâches soient intéressantes et diversifiées, que leur manager leur permette de monter en compétences et leur laisse les coudés franches, avec une entière liberté et beaucoup de potentiel. Ce job existe t-il ? Je ne crois pas… Surtout quand on a un passé d’entrepreneur -bien qu’on entende dire dans les médias que c’est un énorme plus, encore mieux lorsqu’on a échoué – je pense qu’il n’en n’est rien. Pour être allée à plusieurs entretiens, soit en pharmacie soit dans des startups, je n’ai jamais senti que mon parcours entrepreneurial de 15 ans était une force : l’entreprise cherche un employé, capable de se couler dans le moule, point.

J’ai peut-être une vision biaisée du salariat, car je ne l’ai été que quelques mois en 2001/2002 avant de racheter ma première entreprise, et pendant mes années d’étudiantes, mais pour moi après toutes ces années à mon compte je ne vois pas comment je pourrais accepter des ordres, devenir exécutante, avoir des horaires à respecter et mettre de côté mes idées de développement. Impossible, j’aime trop ma liberté pour changer cela, même si régulièrement je me dis que cela pourrait être pas mal d’avoir un peu plus d’argent. Mais pour quoi faire justement ! J’ai tellement mis en place une façon de vivre basée sur la réduction de mes dépenses ces dernières années, que je ne pense plus jamais pouvoir revenir en arrière sur ce plan là. Au delà du budget, c’est aussi un geste pour la planète, l’écologie, contre le gaspillage et la surconsommation qui ne rend pas heureux, bien au contraire. Posséder des choses n’a jamais été un but en soi. Alors fort de ce constat pourquoi aller se sacrifier dans un emploi salarié, même à mi-temps, juste pour rentrer dans les cases. La liberté n’a pas de prix et dépasse de loin mes besoins matériels, jamais je ne pourrais revenir la-dessus, quitte à ce que personne ne me comprenne et tente régulièrement de m’inciter à prendre un job en parallèle de mon entreprise. Au bout d’un an je me verse 1000€ par mois plus des notes de frais, et effectivement, avec un Bac + et un doctorat, je pourrais prétendre à beaucoup plus en tant que salariée, mais à quoi bon ? Même si je dois travailler environ 50h/semaine, les soirs et week-end aussi, j’adore tellement ce que je fais, que la faible rémunération ne me pose aucun problème, surtout au regard de mes faibles dépenses. Peut-être que le jour où je voudrais partir faire un trek en Terres Australes pendant 1 mois, il faudra que je revois mon budget, mais ce n’est pas d’actualité 🙂

Quand on entreprend, on sait qu’on aura des choix à faire, notamment sur ses revenus financiers, personne ne devient riche en créant sa boite, c’est le cas de la plupart des entrepreneurs en France, seuls les médias essaient de nous le faire croire. Mais la liberté, les compétences acquises, l’emploi du temps sur mesure, le bonheur de créer quelque chose, etc… tout cela n’a pas de prix et ne peut pas se trouver dans un job salarié, quelque soit le job, sauf exception pour une poignée d’heureux élus !