“L’identité de marque dépasse de loin le logo et le slogan, elle implique tous les métiers de l’entreprise” Victoria de Belilovsky, responsable marketing chez Ippon

"L'identité de marque dépasse de loin le logo et le slogan, elle implique tous les métiers de l'entreprise" Victoria de Belilovsky, responsable marketing chez Ippon

Les entreprises rivalisent aujourd’hui de créativité pour ne plus simplement vendre leurs produits à des acheteurs passifs, mais pour créer en eux un fort sentiment d’appartenance à l’essence même de l’enseigne. Du consommateur on est passé à l’acteur de la marque. Celui qui se contentait d’acheter un article de sa marque préférée il y a encore quelques années devient prescripteur de cette dernière. Le consommateur, à la recherche de sens dans sa vie quotidienne, souhaite plus qu’effectuer un banal acte d’achat. Il veut s’approprier la marque, devenir son ambassadeur, appartenir à une communauté qui partage les mêmes valeurs que lui. Une vraie mutation marketing que les marques commencent à s’approprier pas à pas.

Nous avons interrogé plusieurs acteurs du branding pour en savoir plus sur cette tendance émergente de création d’identité forte autour des marques. Victoria de Belilovsky, responsable marketing chez Ippon, une société de services informatiques, pour qui l’émotion est au cœur de ses préoccupations ouvre le bal :

Victoria de Belilovsky

Aujourd’hui il semble qu’on parle beaucoup identité de marque en marketing, d’où vient cette appellation ? Est-elle vraiment récente ou les marques misaient t-elles déjà dessus sans le savoir ?

Je pense que les entreprises ont toujours misé sur le pouvoir de la marque mais ce qui diffère aujourd’hui c’est l’appropriation de cette identité par le consommateur. Hier, la marque était le reflet d’un niveau de vie et d’un pouvoir d’achat. Aujourd’hui, la marque incarne des valeurs et elle a une vraie personnalité. Les produits commercialisés, le discours de marque ainsi que les collaborateurs doivent être le reflet de la Mission que s’est donnée l’entreprise… L’identité de marque dépasse donc de loin le logo et le slogan. Ce n’est plus que la responsabilité du service marketing, elle implique tous les métiers de l’entreprise.

L’identité de marque dépasse de loin le logo et le slogan

Observe t-on un changement de l’attitude des marques dans leur façon de s’adresser aux potentiels clients depuis internet ? Les réseaux sociaux ? Qu’en est-il vraiment ?

Il y a un changement radical dans la manière de s’adresser à ses potentiels clients. Avant nous parlions de produits, de services et les marques parlaient surtout d’elles-mêmes. Elles poussaient de l’information sans attendre un retour du consommateur. Depuis quelques années, elles s’attachent surtout à parler de leur client et à leur offrir du contenu utile. Elles engagent des conversations et suscitent des actions de leur communauté. Les marques s’invitent dans notre quotidien, en toute discrétion – pour celles qui maîtrisent le mieux l’exercice.

Comment une marque peut-elle raconter une histoire ? Une TPE peut elle créer un véritable storytelling autour de sa marque ? Quels moyens faut-il ?

Tout le monde peut raconter des histoires mais le plus compliqué reste l’adhésion du public ciblé à cette histoire. Je pense que la sincérité et l’authenticité feront toujours plus d’adeptes que le pur Storytelling. Une agence ou un marketeux vous aide à vous poser les bonnes questions pour créer une Histoire à partir de votre expérience. Ils peuvent aussi aider l’entreprise à structurer la matière et à l’organiser. Ils vont faciliter la cohabitation de l’Histoire et du Produit. C’est accessible à toutes les structures. Avec peu de moyens, il faut être plus créatif et associer un maximum votre écosystème à votre stratégie de marque (partenaires, clients, collaborateurs – ils peuvent tous devenir des ambassadeurs de votre marque).

Avec peu de moyens, il faut être plus créatif et associer un maximum votre écosystème à votre stratégie de marque

Qui a inventé ce concept de storytelling ou identité de marque, d’où est-il né ?

Il me semble que le storytelling a toujours existé. Ce qui change c’est le Buzz Word qui est attaché au concept de “Raconter l’Entreprise”. Ce qui change surtout, ce sont les stratégies déployées, les moyens et les outils utilisés pour communiquer ainsi que la place du consommateur dans cette histoire.

Les marques doivent elles miser sur l’émotion dans leur communication, au delà des offres, des produits ? Voit-on une évolution dans la communication des marques ces dernières années ?

Les marques doivent miser sur l’émotion pour capter des audiences qui sont envahies de messages. En touchant directement la corde émotionnelle, la marque va gagner rapidement l’adhésion mais elle peut tout aussi rapidement décevoir le consommateur. Un consommateur intransigeant qui n’hésitera pas à communiquer haut et fort son mécontentement et à “rompre” avec la marque en question, si elle n’a pas respecté sa part du contrat de confiance ! Les acheteurs sont sensibles aux marques de caractère, aux marques qui s’engagent et aux marques généreuses. Il faut par ailleurs veiller à respecter un juste équilibre entre le Réel et le Virtuel pour conquérir le consommateur en quête d’expérience.

Créer une communauté autour de sa marque est le rêve de nombreux entrepreneurs, quelques conseils pour réussir ?

L’entrepreneur doit puiser un maximum son storytelling dans sa propre histoire. Faire vivre et alimenter une identité de marque demande une grande rigueur et de la patience. Pour que cela ne devienne pas un poids dans la stratégie d’entreprise, il vaut donc mieux incarner sincèrement ce que vous dites à vos consommateurs. Si vous vous posez des questions, appuyez vous sur votre communauté existante, ils seront ravis de vous aider dans l’élaboration de votre identité de marque (si vous n’oubliez pas de les remercier par la suite).

L’entrepreneur doit puiser un maximum son storytelling dans sa propre histoire

Le spot publicitaire semble aujourd’hui évoluer vers plus de magie, de rêve, et moins de racolage. Est-ce une réalité ? D’où vient cette mutation ?

La publicité a eu mauvaise presse pendant quelques années car elle vendait trop de “Plus blanc que blanc” et “des sourires Colgate”. En fait, elle se moquait de la réalité pour propulser du rêve, dénigrant du fait The Simple Life. C’est peut-être ce que l’acheteur attendait au début de la Publicité mais il me semble que ce n’est du tout le cas de nos jours. Par ailleurs la publicité vendait du stéréotype à une Catégorie Socio-professionnelle. Elle n’essayait pas vraiment d’atteindre profondément son client potentiel et de répondre à son besoin. Elle cherchait avant tout à créer le besoin. Certaines marques continuent sur cette dynamique quand d’autres s’attachent davantage à diffuser du rêve inspiré par le vrai. La réalité peut et doit être une source d’inspiration pour la marque. Les marques fortes se nourrissent aussi de la réalité de leurs consommateurs.

Les marques peuvent elles encore aujourd’hui influencer les acheteurs, qui sont à portée de clic de tout ce qui existe ?

Plus qu’influencer, je dirai que la marque doit avant tout convaincre. Et quand la confiance est installée, l’influence peut faire effet. Le consommateur a trop de choix justement. Le “à portée de clic” a un coté angoissant – “Quel est le meilleur choix ? ” Lorsque que l’acheteur aura trouvé son partenaire de choix, il prendra ses décisions d’achat plus rapidement et se tournera plus facilement vers la marque qui aura su le faire adhérer à son identité de marque.

Plus qu’influencer, la marque doit avant tout convaincre