L’écosystème startup s’est emparé des codes de la télé-réalité

Télé-réalité et écosystème startup : du pareil au même ?

Aujourd’hui pour exister il faut être vu. Faire parler de soi est devenu plus important qu’avoir des compétences dans son domaine. Soi est plus important que son business, si on en juge à la bataille que se livrent les startupers pour être partout.

Sans popularité dans les médias et sur les réseaux sociaux, ou dans les conférences, point de salut. A compétences égales, c’est toujours celui qui est le plus populaire qui attirera opportunités que celui qui fait bien son travail dans son coin, mais qui n’en parle pas. Encore pire, c’est parfois celui qui est le moins doué mais le plus connu, respecté et valorisé dans son domaine qui raflera la mise. C’est bien connu, avoir confiance en soi et le montrer, parler de soi en des termes élogieux et s’affirmer, c’est la meilleure solution pour que les autres y croient. Pas besoin de prouver qu’on est bon, tant qu’on affirme l’être cela suffit. Il parait qu’un jour où l’autre la roue tourne, mais pour le moment, il semble qu’elle tourne toujours dans le même sens…

Vous levez des fonds ? Cela fait de vous un entrepreneur accompli. Vous écrivez un article ou vous racontez votre vie d’entrepreneur sur Médium ? Vous êtes LE nouveau chef de file de l’écosystème entrepreneurial français. Vous passez sur BFM Business ? Vous avez réussi votre vie. Vous êtes invité à parler dans une conférence ? Vous êtes définitivement un expert dans votre secteur. On vous voit dans tous les events du moment ? Ouah vous avez un sacré réseau, vous devez être la personne à connaitre en ce moment. Et bien d’autres…

Alors comment mener sa barque quand on n’a pas envie de cela ? Comment faire pour qu’on reconnaisse vos compétences, votre sérieux, la qualité de votre travail, alors que vous n’avez pas envie de forcer les portes des rédactions pour que les journalistes parlent de vous, ou de faire ami-ami avec des gens importants mais qui ne vous intéressent pas ? Comment faire lorsque vous n’êtes pas de ceux qui passent leur temps à partager sur les réseaux sociaux tous les messages flatteurs que vous recevez (qui sont aussi et très souvent réclamés par les intéressés d’ailleurs), à vous gargariser de vos moindres invitations, encouragements et parutions que vous obtenez ? Comment faire quand vous n’êtes pas de ceux à vous vanter, à prendre les autres de haut, à affirmer que vous êtes surbooké, à clamer que vous êtes proche des plus grands, quand vous n’êtes pas imbus de votre personne tout simplement (car on en est là, il faut l’avouer…) ?

Et bien, mauvais nouvelle… Si vous continuez ainsi, vous n’y arriverez pas. Vous pourrez certes avoir une belle réussite entrepreneuriale, mais jamais on ne fera appel à vous pour partager votre savoir-faire dans un event, ou pour devenir consultant d’une grosse boite, ou pour passer au JT. Car personne ne viendra vous chercher, si personne ne sait que vous existez. Ils ont pu vaguement entendre parler de vous, mais si on ne vous voit nulle part, c’est que vous n’êtes pas si bon que cela. Et puis vous ne servez à rien, soyons clair. les gens veulent que vous leur apportiez quelque chose alors si vous n’êtes pas connu, ne faites pas parler de vous, n’avez pas un carnet d’adresse en or, quel intérêt de découvrir qui vous êtes réellement ? La notoriété appelle la légitimité, compétences réelles ou pas. C’est elle avant tout qui vous ouvrira des portes, bien avant votre savoir-faire et votre professionnalisme. Vous pourrez certes entendre parfois  “c’est tellement bien ce que vous faites, pourquoi on n’entend pas parler de vous ?”, mais cela n’ira pas plus loin.

L’entrepreneur actuel est égocentrique, malgré qu’il travaille avec ses potes pour “changer le monde”. Il veut être (re)connu, passer dans les médias, lever des fonds, devenir ami avec ceux qui peuvent lui apporter quelque chose, et toutes ces ambitions passent avant l’acquisition de compétences. Combien de startupers font parler d’eux avant même d’avoir lancé une version beta de leur projet ? Aujourd’hui plus besoin de faire ses preuves, il faut juste avoir une idée, si possible qui fasse rêver et qui disrupte tout un pan de l’économie, et surtout une sacré dose de narcissisme et de confiance en soi pour aller parler de tout cela alors que rien n’existe encore. Tout le monde y croira quand même.

Cynique comme constat ? C’est pourtant la réalité. Loin de celle que chacun peut voir sur son fil Twitter et dans les soirées networking où de soi-disant belles réussites viennent partager leur chemin parcouru. C’est une belle mascarade où chacun passe plus de temps à être vu qu’à développer sa boite, quitte à manger tous les fonds levés auprès de ceux qui ont cru au projet sans état d’âme. Triste surtout, car cela donne une image superficielle de l’écosystème entrepreneurial à tous les nouveaux entrants sur le marché.

Tout le monde fustige la télé-réalité, et pourtant l’écosystème startup s’en rapproche de plus en plus… C’est à celui qui lèvera le plus de fonds, qui sera cité le plus grand nombre de fois sur les réseaux sociaux, qui interviendra dans le plus de conférences possible, qui aura le meilleur réseau, le tout sans avoir à prouver ses résultats. Bien loin de l’ambition première qui était l’innovation, la création de valeur et d’emplois (pas de stages…), la volonté d’améliorer notre société, et de donner de l’espoir à ceux qui en ont besoin. Être vu n’est pas un gage de réussite, mais il semble qu’un bon nombre d’entrepreneurs l’aient oublié…