“L’entrepreneuriat social permet de sortir des cases” Peggy Peralta-Jousse, fondatrice de ValOrise

"L’entrepreneuriat social permet de sortir des cases" Peggy Peralta-Jousse, fondatrice de ValOrise

On dit souvent qu’on ne devient pas entrepreneur, mais qu’on nait entrepreneur. Je le vérifie souvent au cours de mes interviews, mais c’est parfois très flagrant. C’est le cas de Peggy Peralta Jousse, que j’ai rencontrée lundi à Paris, alors qu’elle arrivait de Saumur, pour suivre un accompagnement au développement de son projet d’entrepreneuriat social avec la Team de Ticket for Change, incubateur de startups sociales, dont elle a été lauréate en 2016 “10 jours formidables, mais qui ont été aussi durs à vivre” m’explique t-elle. S’immerger au milieu de jeunes diplômés de grandes écoles, passionnés d’entrepreneuriat depuis longtemps, alors qu’on est autodidacte, avec un long parcours de salariée et maman d’une petite fille, est un électrochoc. Tout les oppose, mais “cela m’a fait me remettre en cause au final, et cela a confirmé mon envie de lancer mon entreprise“.

Peggy Jousse Peralta

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ticket for Change c’est une chance énorme, cela m’a fait gagné 6 mois dans le développement de mon projet, mais aussi éviter des erreurs, acquérir de nouvelles compétences, et surtout me rassurer, prendre confiance en moi“, ajoutant “j’ai pu exploser ce plafond de verre qui me pesait, et lever les freins que je me mettais, en voyant que je n’étais pas la seule à me lancer dans un projet aussi fou, il existe plein d’autres entrepreneurs sociaux !“. Ajoutant « L’entrepreneuriat social permet de sortir des « cases », de devenir essayiste, de déployer des réseaux et d’intégrer un mouvement solidaire dans les adversités et les réussites »

L’entrepreneuriat social permet de sortir des « cases », de devenir essayiste, de déployer des réseaux et d’intégrer un mouvement solidaire dans les adversités et les réussites

Son projet, c’est la “création d’une filière de valorisation des cultures maraichères sur le territoire de Saumur, dont la vocation est de réintroduire les fruits et légumes abimés dans le circuit classique, dans une démarche de commerce équitable“. Avec pour objectif d’impliquer les professionnels du secteur, créer de l’emploi local, et limiter le gaspillage alimentaire, afin que “tout le monde y gagne“. En 3 mois, Peggy a “prototypé le projet” : elle a sauvé 500kg de fruits et légumes auprès des maraichers de la région, à l’aide de sa voiture personnelle et de nombreux bénévoles séduits par le concept anti-gaspi et local. Puis les fruits et légumes ont été transformés dans les cuisines de la Maison des Associations de Saumur, selon des recettes créées en interne, et proposés lors de DiscoSoup organisées dans des lieux touristiques prestigieux de la région “on a eu un engouement pour nos produits lors de ces events”, validant ainsi cette idée folle ! «Aujourd’hui je travaille à l’élaboration de plusieurs gammes de produits aux saveurs originales, exclusivement végétales dédiées aux papilles de nos enfants»

La vocation de ValOrise est de réintroduire les fruits et légumes abimés dans le circuit classique, dans une démarche de commerce équitable

Aujourd’hui Peggy est en phase de financement pour créer son propre atelier de transformation, mais il faut être tenace… “Le projet séduit les professionnels, associations, entrepreneurs, élus, etc…” mais quant à toucher les bonnes personnes pour des aides, subventions et autres sources financières, c’est compliqué quand on n’a pas un réseau étoffé (et pourtant quand on lit les témoignages de startupers sur le net, cela semble tellement facile pour les autres… ndlr). Pourtant, pas question de s’avouer vaincue- elle a enchainé plusieurs centaines de rdv ces derniers mois pour présenter son projet .

Le projet séduit les professionnels, associations, entrepreneurs, élus, etc…

Mais comment Peggy en est-elle arrivée à se lancer dans ce projet ? Pas vraiment grâce à sa formation initiale… Car elle n’en n’a pas ! Et c’est justement ce qui a fait sa force pour s’imposer dans le monde professionnel. “Je suis issue d’une famille rurale ouvrière où les femmes ne font pas d’études, et deviennent mères de famille” explique t-elle “mais j’ai refusé cela, en allant travailler directement après mon Bac“. « Entreprendre m’a aidé à lutter contre la norme sociale. C’est à mon sens un acte d’affirmation, de liberté, et d’engagement ! » Elle vit alors en Normandie et passe tous ses étés à Saumur, d’où sont originaires ses arrières-grands-parents, et son grand-père y était rosiériste, une spécialité de la région. D’où son choix de s’y installer il y a un an, seule avec sa fille, après son divorce, la fin de son contrat et une forte envie de changer de vie.

Entreprendre m’a aidé à lutter contre la norme sociale. C’est à mon sens un acte d’affirmation, de liberté, et d’engagement !

Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’elle change de vie et cela ne lui a jamais fait peur. Car après ses petits boulots (factrice, pionne, vendeuse…), elle enchaine sur un emploi-jeune dans une école “où j’ai mis en place un dispositif pour favoriser l’apprentissage de la lecture et de l’écriture auprès d’enfants en difficulté“. Mais voilà, les emploi-jeunes, c’était pas mal de com’ de la part du gouvernement et Peggy se lasse d’attendre une hypothétique formation. Elle répond alors à une petite annonce dans un journal (un temps dont la génération X se souvient très bien…) pour devenir responsable de magasin Vet’Affairs. Elle devient associée d’un premier magasin, mais n’évolue plus après 5 années au sein du groupe “seuls les couples se voyaient proposer des offres intéressantes à l’époque, ce qui n’était pas mon cas“, et rejoint le groupe Vivarte où elle va gérer un magasin La Halle aux Vêtements, avec 15 employés à seulement 25 ans et sans diplôme ! Elle fait ensuite son chemin en ouvrant plusieurs boutiques, forme les directeurs et s’implique dans les ressources humaines “j’étais déjà force de proposition au sein de l’enseigne, j’avais à cœur l’accompagnement, la formation et la montée en compétences des salariés“. Les prémices d’un management participatif dont on parle aujourd’hui avec assiduité… Comme quoi le tempérament d’entrepreneur c’est inné, pas besoin de faire une école de commerce comme c’est la mode actuellement !

J’étais déjà force de proposition au sein de l’enseigne, j’avais à cœur l’accompagnement, la formation et la montée en compétences des salariés

Mais voilà, la crise économique de 2008 arrive, et Peggy est sommée de licencier une bonne partie de son personnel, une expérience qu’elle vit très mal “je voyais le changement de stratégie du groupe et je ne le sentais pas“. Elle quitte alors l’entreprise et en profite pour valider par le VAE, un BTS de management des unités commerciales après plus de 10 ans d’expérience sur le terrain. Elle part ensuite au volant d’un camion aménagé, dans les pays nordiques “j’avais besoin de ces quelques mois pour prendre du recul, j’étais essoufflée par mon métier, je m’étais éloignée de mes valeurs“. Une expérience qui l’amène à réaliser qu’elle veut un job plus proche du client, tout en gardant la fibre commerciale. Elle entre chez la marque Valege avec laquelle elle va participer à l’ouverture de plusieurs magasins et recommencer le même schéma professionnel. Mais en 2013, sa vie change, elle donne naissance à sa fille “je fais alors un bilan de compétences et décide de quitter le commerce“, un métier de fou, pour ceux qui savent…  C’est le moment où Peggy met son premier pied dans l’entrepreneuriat social, on est en 2015, et une ressourcerie la recrute en tant que chef de projet pour mener le lancement de A à Z “c’est là que je découvre l’économie sociale et solidaire, et cela fait sens immédiatement !“. Et c’est à la fin de son contrat qu’elle divorce, vend sa maison, déménage, et on connait la suite !

J’avais besoin de ces quelques mois pour prendre du recul, j’étais essoufflée par mon métier, je m’étais éloignée de mes valeurs

Aujourd’hui Peggy semble avoir trouvé son équilibre “je me fixe jusqu’à la fin de l’année pour réellement lancer le projet ou bien je prendrais un job à temps partiel, en complément” le temps d’ancrer l’idée dans “le jardin de la France“, l’Anjou, “le plus gros bassin maraicher de la France“. La région de Saumur est connue pour le Cadre Noir, les châteaux, les roses, les vignobles, les champignons, mais reste très peu attractive pour les jeunes actifs qui préfèrent rejoindre des régions plus dynamiques au niveau professionnel. Gageons qu’avec ValOrise, une startup sociale ambitieuse, et son énergie folle, Peggy saura donner un coup de projecteur sur la région et la rendre attractive pour de futurs entrepreneurs sociaux, démontrant ainsi que réconcilier business et sens est possible partout en France !