“Pour faire ce métier de fleuriste il faut être passionné car c’est un métier très éprouvant, très dur et très contraignant” Martine Mione, fleuriste à Nevers

Le petit commerce n’est pas mort, les centre-villes non plus et l’artisanat encore moins. Si ce dernier bénéficie d’un regain d’intérêt de la part d’anciens salariés de grands groupes en quête de sens et d’authenticité, le commerce, après des décennies de petite mort, commence seulement à revenir sur le devant de la scène. Des petits commerces qui avaient disparu au profit de zone commerciales déshumanisées en extérieur de ville. Mais voilà, une forte envie de retour aux sources est en train d’inverser la donne, et même si les centres commerciaux s’imposent toujours dans le panorama des grandes villes, des passionnés redonnent vie aux petits commerces des centre villes à travers toute la France. C’est la cas de Martine Mione, artisan fleuriste depuis 37 ans, qui a ouvert une boutique à Nevers il y a un an, réalisant ainsi son rêve avec succès. Elle nous en dit plus sur sa passion du métier et ses ambitions chez Mille et Une Brindilles :

Martine Mione

 

 

 

 

 

 

Qui êtes-vous, quel est votre parcours professionnel ?

Je m’appelle Martine Mione, j’ai 53 ans, je suis mariée, j’ai 3 enfants, et 4 petits enfants.

Cela fait 37 ans que je travaille comme fleuriste. Originaire de Strasbourg, j’ai quitté l’Alsace pour aller travailler du coté de Toulon. Je suis revenue sur Strasbourg quelques années plus tard pour travailler avec l’un des meilleurs fleuristes de l’époque. Ce fleuriste m’a beaucoup apporté et appris. Le gout des belles choses, du travail bien fait et les belles vitrines. J’ai quitté cet emploi pour rejoindre sur Avignon, Yvan qui est devenu mon époux. Il était dans la Marine nationale. C’est pourquoi, nous avons souvent déménagé. J’ai donc travaillé chez de nombreux fleuristes. Avignon, Nîmes, puis Fort de France pendant 3 ans, retour en Métropole pour repartir 6 ans plus tard à nouveau en Martinique. A chaque changement il a fallu m’adapter, surtout aux Antilles. Mentalité, travail, techniques littéralement différentes. Mais quelles belles expériences ! Les échanges à chaque changement d’emploi ont été très enrichissants et ont largement contribué à ce que je suis devenue aujourd’hui. Nous sommes revenus en métropole en 2009. Nous avons choisi la Nièvre par coup de cœur pour la région, sans m’imaginer que cette région était quelque peu sinistrée sur le marché de l’emploi.

J’ai commencé par faire un stage de deux mois à la chambre des métiers pour la création d’entreprise. C’était déjà un rêve d’avoir ma boutique à l’époque. Avant la fin de stage, j’ai trouvé un CDI avec des horaires tellement sympathiques , des week-ends de 4 jours 2 fois par mois… Très rare dans ce métier ou l’on travaille généralement tous les dimanches ! L’emploi rêvé … mais tellement tranquille et pépère que j’ai préféré le quitter pour devenir responsable d’une boutique et d’une équipe… avec des horaires incroyables, des objectifs à réaliser, des marges à respecter, une pression constante, des décisions à prendre, des comptes à rendre… mais c’est tout ce que j’aime…..les défis , les challenges.

Nous avons choisi la Nièvre par coup de cœur pour la région, sans m’imaginer que cette région était quelque peu sinistrée sur le marché de l’emploi

Pourquoi aviez-vous fait le choix à l’époque de passer un CAP de fleuriste ? Qu’est-ce qui vous plaisait ?

Je n’étais pas décidée sur mon choix d’orientation… préparatrice en pharmacie, secrétaire… j’avais bien des idées, mais sans plus… C’est ma maman qui m’a dit « et fleuriste ? ça te plairait pas ? « Je me souviens très bien avoir eu un flash, et je me suis projetée chez ce jardinier chez qui j’allais de temps en temps acheter un bouquet d’œillets … J’aimais tellement les odeurs qui se dégageaient de son atelier… Ce sera fleuriste, le choix était fait. Je suis rentrée en apprentissage, j’avais 14 ans et demi et j’ai obtenu mon CAP à 16 ans et demi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Qu’est-ce qui vous a aujourd’hui motivé à ouvrir votre commerce ?

En 2015 l’entreprise dans laquelle je travaillais a été vendue. Le repreneur n’avait pas du tout la même vision que moi du métier de fleuriste (je travaillais dans une boutique de fleurs traditionnelle qui était dans une galerie marchande et qui appartenait à un hyper marché). C’est quand il a commencé à me demander de refuser les livraisons, les décors de restaurants, les pièces de deuil mais aussi les mariages, bref ce qu’il y a de plus intéressant dans ce métier, que je me suis dit que c’était le bon moment de franchir le pas.

Comment avez-vous choisi la ville, l’emplacement, l’ambiance de votre commerce ?

J’ai choisi Nevers car je voulais une ville plutôt qu’un village pour le passage.

L’emplacement a été un coup de cœur. Début de zone piétonne, une boutique avec des vitrines en angle dans un bâtiment ancien, des poutres, de la pierre, malgré de très nombreuses mises en garde quant au choix du centre-ville (énormément de monde me conseillait d’aller en périphérie, dans la zone commercial).

L’ambiance de ma boutique, je l’ai voulu nature, zen, un brin industriel ! J’ai fait le choix de n’avoir aucun contenant de couleur, tout est dans les tons naturels ! La couleur étant apportée uniquement par les fleurs.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

N’avez-vous pas eu peur d’opter pour une ville qui a la réputation d’avoir un centre-ville abandonné ?

J’ai toujours eu l’intime conviction qu’une boutique telle que je l’avais rêvée, avec une âme et une réelle signature, ne pouvait avoir sa place que dans un centre-ville. La combinaison réunie des fleurs, du centre-ville et d’une boutique de caractère apporte de l’authenticité. Évidemment, les questions du stationnement, des magasins qui ferment, je me les suis posées.

J’ai toujours eu l’intime conviction qu’une boutique telle que je l’avais rêvée, avec une âme et une réelle signature, ne pouvait avoir sa place que dans un centre-ville

D’ailleurs quel est votre avis sur le sujet ? Pourquoi les centre villes sont ils abandonnés des commerçants et des clients ?

C’est un cercle vicieux : moins de boutiques, donc moins de clients… moins de clients, donc des boutiques qui ferment… Les grosses enseignes se délocalisent pour s’installer dans les zones prisées pour leur stationnement gratuit et le regroupement de nombreux magasins. La facilité du « tout au même endroit » séduit toujours ! Mais où est l’âme du commerce ?

Que faudrait il faire pour y remédier ? Y a t’il une solution pour relancer le petit commerce en centre ville ?

Je n’ai pas de solution miracle. Mais peut-être faut-il que le centre ville se démarque par des petites boutiques que l’on ne trouve pas en zone commerciale ! Car dans toutes ces dernières, nous retrouvons les même enseignes, partout, que ce soit à Nevers, Paris, Strasbourg ou n’importe quelle ville. Alors qu’une petite boutique avec une ambiance, des produits de qualité et des conseils appropriés a toute sa place dans un centre-ville. Et peut-être faudrait-il songer à élargir les horaires d’ouverture du centre-ville en restant ouvert entre midi et deux, ou la gratuité des parkings.

Le centre ville doit se démarquer par des petites boutiques que l’on ne trouve pas en zone commerciale

Quel type de commerce cherchent les clients qui vont aujourd’hui en périphérie ou sur le net ?

Les gens recherchent la facilité de stationnement, le tout au même endroit et sur Internet, les prix.

Vous même en souffrez-vous ? Comment vous imposez-vous face aux enseignes et à la vente en ligne ?

Mon métier est artisanal, et je n’en souffre pas trop, même si maintenant, vous pouvez vous faire livrer votre box de fleurs avec des tutos qui vont guident pour réaliser votre composition.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Quelle est votre valeur ajoutée dans le métier par rapport à vos concurrents ? Comment vous êtes vous fait connaitre ?

L’écoute, la disponibilité et le « sur mesure » sont de grands atouts. Et puis il y a le souci du détail. Personnaliser chaque vente, chaque emballage. La signature de ma boutique, je la souhaite partout, dans la présentation, le visuel, mais aussi l’emballage, et l’accueil du client.

Je crois que le bouche à oreilles est le meilleur moyen de se faire connaitre… Un client content c’est un client qui revient mais surtout, qui en parle autour de lui.

Quel place accordez-vous aux réseaux sociaux dans le développement de votre entreprise ?

Je publie régulièrement sur Facebook. C’est un formidable outil de communication. A travers les pages Facebook, j’essaie de transmettre la même ambiance qu’en boutique, même là ma signature est visible. Les gens sont très sensibles à ce côté artisanal. Cela m’a permis d’avoir des clients un peu partout en France, qui me contactent, que ce soit pour une livraison sur Nevers, un mariage, un deuil.

A travers Facebook, j’essaie de transmettre la même ambiance qu’en boutique, même là ma signature est visible

Pourquoi ne pas avoir créé votre entreprise plus tôt ?

J’en rêvais depuis toujours, mais mon époux était dans la Marine nationale. Nous avons donc souvent déménagé. Et puis il y avait mes trois enfants qui étaient une priorité pour moi.

Quelle aide avez-vous reçu ?

Financièrement j’ai obtenu un prêt Nacre et un prêt Initiative Nièvre (10 000 euros). J’ai été très bien accompagnée par mon conseillé BGE ! Une aide inestimable et toujours d’actualité.

Où en êtes-vous du développement aujourd’hui après une année ?

A 11 mois d’activité j’ai réalisé plus que l’année N2 du prévisionnel comptable.  D’ici la fin du mois, pour mes un an d’activité, je suis en passe de réaliser l’année N3.

Est-ce plus difficile pour une femme de faire grandir son entreprise ? Spécialement dans votre domaine ?

Je n’ai pas ressenti de difficultés particulières à ce niveau-là. Un peu plus dur dans mon métier pour une femme quand il s’agit de porter du poids ou de faire des montages pour grands décors, mais rien d’insurmontable.

Quel est votre moteur au quotidien ?

La passion pour mon magasin,  l’amour pour mon métier et mes clients.

Qu’avez vous sacrifié pour passer de salariée à entrepreneure ? Quel est votre état d’esprit un an après l’ouverture ?

J’ai sacrifié ma vie privée. Je vois moins ma famille et mes amis, car après mes horaires d’ouverture, la « paperasse » doit être faite, les commandes et devis. Mais je suis plus motivée que jamais, même si parfois la fatigue prend le dessus. Je n’arrête jamais, quand je ne suis pas à la boutique, je me documente, cherche des idées, pars glaner en forêt.

Quels sont vos objectifs ces prochains mois ?

Être toujours vigilante car rien n’est jamais acquis. La remise en question est vitale pour toujours émerveiller les personnes qui poussent la porte. Ne jamais oublier ce côté artisanal : un client satisfait ce sont plusieurs clients de gagnés… pour permettre au chiffre de progresser et dans deux ans, faire signer un CDI à mon apprentie.

La remise en question est vitale pour toujours émerveiller les personnes qui poussent la porte

Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui souhaite se lancer en tant que fleuriste ? Notamment à cette génération de trentenaires qui cherche plus de sens dans un job et n’hésite pas à se reconvertir ? Quel regard portez-vous sur ce phénomène ? Y croyez-vous, vous qui avez des années de métier ?

Je trouve qu’oser se reconvertir, faire quelque chose de passionnant plutôt que de rester dans un confort, est une belle aventure. Aujourd’hui les jeunes privilégient l’Être plutôt que l’Avoir.

J’ai connu des personnes qui n’étaient pas du métier, qui sont devenues fleuristes sans aucun diplôme et qui avaient pourtant des doigts en or . Et d’autres avec diplômes, mais dont le travail était très quelconque.

Pour faire ce métier de fleuriste il faut être passionné car c’est un métier très éprouvant, très dur et très contraignant. Mais la joie de satisfaire et d’apporter un peu de bonheur aux gens n’a pas de prix. Et surtout se démarquer à tous les niveaux, sortir des sentiers battus pour ne pas ressembler aux autres.

Oser innover, créer, et surtout travailler, travailler… travailler !