L’entrepreneuriat est-il toujours un rêve pour les français ? C’est la question que je me pose depuis quelques temps. En effet, j’ai l’impression que les médias en parlent moins, qu’il n’y a plus d’évènements autour de ce thème, exceptés les grands rendez-vous, les blogs entrepreneurs ont disparu, les groupes Facebook aussi, et quand j’en parle autour de moi, l’envie de devenir son propre patron n’est plus là.
Les français auraient même moins envie de se lancer que leurs voisins européens selon le magazine Forbes. 28% des Français envisagent de créer ou reprendre une entreprise. Ils sont 31% en Allemagne, alors que la Pologne arrive en tête (62%), suivie par l’Espagne (55%) et le Royaume Uni (51%). Même si ce chiffre augmente de 3 points sur un an, la motivation n’est plus là semble t’il. Le mouvement des gilets jaunes aurait-il freiné les ardeurs de celles et ceux qui pensaient que les entrepreneurs n’étaient pas touchés par la précarité, les difficultés et les incertitudes du lendemain ? La donne a changé cette année dans les projets des français.
Peut-être sont-ils devenus plus réalistes en découvrant que de nombreux petits entrepreneurs n’arrivaient pas à joindre les deux bouts, malgré le travail acharné qu’ils effectuent au quotidien ? La profession de chef d’entreprise a toujours dégagé une sorte d’aura de réussite suprême, de celui ou celle qui a travaillé dur, mais qui peut, arrivé à 40 ou 50 ans profiter de son labeur en sirotant un cocktail sur une licorne gonflable dans sa piscine personnelle. Le rêve d’entrepreneuriat semble abimé aujourd’hui dans l’imaginaire collectif. Et pourtant rien de nouveau, il n’existe que peu de success stories dans la réalité. Engouement ou pas, l’entrepreneuriat n’a jamais été facile. Il ne suffit pas d’avoir la bonne idée, d’envoyer 3 t-shirts à des influenceurs et d’attendre que les ventes arrivent, même si certains y croient encore.
10 ans après la création du statut d’auto-entrepreneur, ce sont ces chiffres qui boostent la création d’entreprises et pourraient faire croire que les français rêvent toujours de devenir leur propre patron. Or il faut nuancer, car aujourd’hui on sait que ce statut est essentiellement imposé par des entreprises de la nouvelle économie, qui en profitent pour ne pas avoir de salariés et faire travailler leurs « collaborateurs » au-delà de ce que leur imposerait le code du travail, tout en ne leur fournissant aucune garantie et aucun avantage social. En 2018, il y a eu 28% d’immatriculation d’auto-entrepreneur en plus qu’en 2017. Cela réjouit les pouvoirs publics, mais au contraire cela devrait les inquiéter en cette période où tout concoure à détruire notre modèle social. De plus, quand on interroge les français, ils sont tout de même 63% à se projeter, dans leur avenir professionnel, uniquement comme salarié, et si possible en CDI.
Alors que faut-il en penser ? L’entrepreneuriat n’a plus la cote ? La mode est-elle passée ? Assiste t’on à une mutation sociétale où l’entrepreneuriat devient une obligation pour celles et ceux qui n’ont pas eu la chance de décrocher un contrat de travail, et viennent rejoindre les milliers de livreurs, chauffeurs, coachs, consultants, travailleurs payés à la tâche ? Il y a malheureusement de cela, et ce n’est pas prêt de s’arranger en l’état actuel des choses, où tout est fait pour que les entreprises aient le minimum de charges et de contraintes, afin de faire croitre leurs bénéfices et enrichir leurs actionnaires. Qui eux, croient encore à l’entrepreneuriat par contre ! Tant que cela sert leurs intérêts, ils continuent à vanter les mérites de ce statut auprès des jeunes, notamment dans les quartiers sensibles où les taux de chômage atteignent des records, et où seule la voie de l’auto-entrepreneuriat semble offrir un avenir professionnel à une jeunesse laissée au bord du chemin depuis trop longtemps.
Mais fort heureusement, il existe encore des entrepreneurs heureux et épanouis dans leur activité. Qui ont réussi à développer un chiffre d’affaire leur permettant de vivre correctement, d’avoir une vie qu’ils ont choisie, aucun patron à qui rendre des comptes, et des clients satisfaits. Qui vont eux-mêmes diffuser l’esprit d’entreprendre auprès des jeunes et des aspirants entrepreneurs, tout en leur partageant la réalité de ce statut, avec ces hauts et ces bas. C’est l’image que l’on devrait afficher pour donner envie d’entreprendre aux français.