“Post-covid, les commerces doivent réfléchir à de nouveaux moyens de s’approvisionner sans avoir à visiter les salons”


Tous les entrepreneurs ne diront pas le contraire, surtout les commerçants : trouver des fournisseurs est vraiment compliqué ! Dénicher la perle rare, convaincre les fabricants qu’on est un revendeur fiable, ou qu’on ne bradera pas leurs produits, négocier des délais de paiement ou des frais de port gratuits, etc… Quand on est un petit commerce, cela relève de l’exploit. Mais à contrario, quand on est un fabricant, c’est aussi compliqué de trouver des revendeurs et faire connaitre ses produits, surtout quand on a un petit budget, qui exclu les salons ou les campagnes de com’. C’est de cette idée que sont partis deux frères, Sami Bekas et Hamza Chaoui, pour créer Marquerie, une marketplace qui connecte les commerces locaux avec les créateurs français.

Pouvez-vous présenter votre parcours qui vous amené à créer cette Marketplace BtoB ?


Marquerie c’est d’abord l’histoire de Sami et moi-même (Hamza) deux frères, et fils d’une maman commerçante. Après 13 ans dans la pub et 5 ans dans une boîte tech pour ma part, et 4 ans en start up pour Sami nous avions une envie d’allier ces deux mondes : le commerce traditionnel qui est une histoire de famille avec la technologie qui est notre métier depuis quelques années maintenant.

Comment est venue l’idée ?


Le métier de commerçant.e est un métier pour lequel nous avons toujours eu une sensibilité particulière et nous savions que quelque soit notre projet il devait d’une manière ou d’une autre aider cette catégorie professionnelle.

En début d’année, nous étions avec 3 amies créatrices de bijoux et de vêtements pour enfants, et elles nous parlaient de la difficulté qu’elles rencontraient pour se faire connaître et référencer leurs marques auprès d’un public professionnel. Dès le lendemain avec Sami, nous sommes partis à la rencontre de commerçant.e.s pour poser la question et c’est là que l’on s’est rendu compte à quel point le processus de découverte et ensuite de référencement de nouvelles marques avait un coût, demande du temps, et le risque d’invendu est élevé… La suite de la réflexion nous a amené naturellement à la conception de Marquerie.co.

On s’est rendu compte à quel point le processus de découverte et ensuite de référencement de nouvelles marques avait un coût

Entreprendre en famille, c’était un rêve de longue date ou une opportunité ?

Un peu des deux. Un rêve au départ et puis une opportunité plus récemment ! Nous avons 15 ans de différence d’âge… mais dans notre famille on a très vite vu que Sami était précoce s’agissant de l’entreprenariat en général. Il a entrepris depuis l’époque du collège et on s’est toujours dit qu’à nous deux nous ferions une bonne équipe. Nous avons des personnalités très différentes et des skills complémentaires, ce qui nous aide à être efficace dans notre projet.

Quels sont les avantages et les désagréments que vous y voyez ?


Les avantages sont la solidité de la relation, la confiance, la connaissance de l’autre qui font que nous sommes vraiment un duo de co-fondateurs très solide.

Pour les désagréments, on n’en voit pas encore mais peut-être qu’on n’arrivera pas à faire la différence entre notre relation en tant que frères et en tant que co-fondateurs. Mais pour le moment, ça nous apporte beaucoup et nous sommes convaincus que nous avançons de manière plus sereine que deux fondateurs classiques. L’histoire a également prouvé plusieurs fois que les histoires entrepreneuriales écrites par des frères ou des soeurs peuvent souvent donner lieu à de belles success stories.

Comment se passe le lancement de votre site ? Comment est-il accueilli ? Comment vous faites-vous connaitre ?


Nous avons reçu un superbe accueil auprès des marques et des commerces que nous avons approchés depuis le début. Ils ont tout de suite vu la valeur que l’on pouvait apporter et ont accepté de nous faire confiance assez rapidement. En moins de 3 mois nous avons pu référencer plus de 120 marques, et dès la première semaine où nous avons commencé à cibler les commerces nous avons reçu nos premières commandes. Aujourd’hui nous avons réalisé 4 fois plus que l’objectif fixé au départ en termes de nombre de transactions.

Aujourd’hui nous avons réalisé 4 fois plus que l’objectif fixé au départ en termes de nombre de transactions.

Se lancer en pleine crise économique, vous ne vous êtes pas dit que c’était risqué, n’avez-vous pas peur de l’avenir ? Comment voyez-vous ces prochains mois ?


Les crises ont bien évidemment beaucoup d’aspects négatifs cela va sans dire, mais c’est également en temps de crise que de nouveaux paradigmes et comportements se mettent en place.

Quelques commerces ont du malheureusement fermer leurs portes, mais pour beaucoup la clé de la survie est en train de passer par de l’innovation dans la manière de travailler en créant par exemple la version en ligne de leur magasin.

Marquerie prend tout son sens dans ce contexte. Post-covid, les commerces doivent réfléchir à de nouveaux moyens de s’approvisionner sans pour autant avoir à visiter les salons, et sans avoir à mobiliser une grosse partie de leur trésorerie.

Nous sommes confiants quant à l’avenir de Marquerie mais surtout confiants quant à l’avenir du commerce indépendant qui est en train petit à petit d’adopter les nouvelles technologies pour améliorer l’efficacité tout en gardant son ADN de métier basé sur l’humain et l’empathie.

Comment sélectionnez-vous les créateurs et les distributeurs ? Vous dites ne pas vouloir de créateurs qui vendent sur Amazon, mais de plus en plus de marques, même petites s’y mettent, car c’est un canal de vente incontournable aujourd’hui, pourquoi ? En est-il de même pour les autres marketplace ?

Nous faisons un travail de curation pour recruter les marques, nous n’invitons sur notre plateforme que les marques qui partagent avec nous au moins une de nos 5 valeurs. Beaucoup de marques sur le marché vendent sur Amazon en effet, mais ce n’est – heureusement – pas la démarche des marques engagées qui désirent, en plus d’un retour sur investissement avoir un impact positif sur leur communauté et idéalement sur la planète. Ce sont ces dernières que nous ciblons.

Nous n’invitons sur notre plateforme que les marques qui partagent avec nous au moins une de nos 5 valeurs

Le Made in France a le vent en poupe depuis plusieurs années, comment voyez-vous l’évolution à votre échelle ? Est-ce une mode, un phénomène durable, va t’on assister à une hausse de la création et de la demande suite à la crise sanitaire qui a révélé la dépendance de la France à la Chine ?

Nous ne référençons que des marques françaises en effet, cela dit toutes nos marques ne fabriquent pas forcément en France. Cette distinction est cruciale. Une PME qui emploie 4 ou 5 salariés en France, qui conçoit ses créations avec des talents locaux, et qui pour des contraintes de production produit à l’étranger dans de bonnes conditions a toute sa place sur notre plateforme.

Pour certaines catégories, ce n’est simplement pas réaliste d’imposer que l’ensemble du produit soit fabriqué en France. Nous voulons célébrer l’entrepreneuriat français, la création française, l’artisanat français, et les produits français, sans pour autant transformer cela en contrainte.

Et pour revenir à votre question, je ne pense pas que nous sommes face à une mode, nous sommes face à un consommateur de plus en plus conscient des enjeux sociaux, économiques et environnementaux positifs qu’implique la consommation de marques françaises. La crise actuelle ne fait qu’accélérer cette prise de conscience, mais elle a démarré depuis longtemps.

Nous voulons célébrer l’entrepreneuriat français, la création française, l’artisanat français, et les produits français

Vous vous focalisez sur les créateurs, mais n’y a t’il pas un risque qu’ils soient trop petits et n’aient pas les moyens nécessaires pour fournir de nombreux distributeurs ?

C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons conçu la plateforme. Notre système est basé sur des montants de commandes minimum et non pas des quantités minimum. Et nous laissons à la marque la possibilité de fixer elle même ce montant. Ce qui fait que les magasins peuvent commander avec de petits montants une partie de la gamme proposée par une marque sans avoir à commander plusieurs unités pour chaque modèle… Du coup, cela met moins de pression sur la marque. Aussi, nous laissons à la marque la possibilité de refuser ou de proposer une alternative lorsqu’elle reçoit une commande… Ce qui lui permet d’adapter et de croitre sa capacité de production à son rythme.

Quels sont les articles qui marchent le mieux depuis le lancement ?

La papeterie, les fleurs séchées, l’enfant et la beauté.

Un conseil pour quelqu’un qui souhaite créer une marque originale, made in France ?

Y mettre toute sa personnalité, et surtout raconter cette personnalité à travers son produit, packaging, ses choix artistiques et ses choix de production.

Considérer sa marque comme une contribution à la société. Il faut se dire dès le début comment est-ce que ma marque pourra rendre la vie de mes client.e.s un tout petit peu meilleure.

Bien étudier son pricing et ne pas avoir peur de le réviser plusieurs fois, jusqu’à ce qu’on trouve la bonne équation et le bon équilibre sur le marché. En un mot, le secret est d’arriver à penser avec son cœur, sa tête et sa poche 🙂

Votre plus grosse galère à ce jour ?


L’entreprenariat c’est accepter de sortir de sa zone de confort de manière quasi quotidienne. J’ai dû prendre le téléphone il y a 6 mois pour appeler des marques et des commerçants pour leur parler de nous et de notre projet et commencer à faire de la prospection. C’était assez inconfortable de devoir ‘pitcher’ notre concept sans n’avoir rien à montrer à des personnes qui ne nous connaissent pas.

C’était assez inconfortable de devoir ‘pitcher’ notre concept sans n’avoir rien à montrer à des personnes qui ne nous connaissent pas.

Et votre plus grande fierté ?


C’est de nous réveiller chaque jour en nous disant que si on fait bien notre travail, nous allons aider des dizaines de milliers de commerces et de marques françaises a prospérer dans l’avenir. (Et d’avoir finalement pu appeler plus de 300 marques et commerces :))