Lever des fonds ne fait pas de vous un entrepreneur. Les cramer encore moins

Lever des fonds ne fait pas de vous un entrepreneur. Les cramer encore moins

Lever des fonds ne fait pas de vous un entrepreneur. C’est triste à rappeler, mais trop souvent depuis plusieurs années on a tendance à encenser tous ces fondateurs de startups, la plupart tout juste diplômés d’une école de commerce ou d’ingénieur, qui lèvent des milliers/millions d’euros, en les qualifiant de jeunes qui osent, de nouvelle génération qui veut changer le monde, d’entrepreneurs qui veulent aller vite et jeter aux orties l’entrepreneuriat à la papa. Ce seraient eux les vrais entrepreneurs, pas ceux qui créent des emplois pérennes, font vivre leur région, sont rentables et investissent dans du concret.

J’aimerais qu’on m’explique où est le succès et l’étiquette “entrepreneur” quand on crame 500 000 ou 1 million d’euros en 2 ans dans la publicité ou l’ouverture de 3 bureaux à l’étranger ? A quoi bon lancer une boite si c’est pour exploser 2 à 4 ans plus tard ? Personnellement je n’appelle pas cela “être entrepreneur”, je qualifierais plutôt cela de “tête brulée”. Et puis où est la valeur ajoutée et le professionnalisme de l’équipe fondatrice ? Tout dépenser en quelques années et arrêter faute de trouver de nouveaux investisseurs fait-il de ces startupers de bons entrepreneurs ? Simplement parce qu’ils auraient essayé, créé une communauté virtuelle d’utilisateurs et fait parler d’eux  ? C’est trop facile, tout le monde peut le faire aujourd’hui avec les réseaux sociaux, la mondialisation et des millions d’euros ! Dilapider de l’argent qu’on n’a pas gagné à la sueur de son front, c’est un art que n’importe qui maitrise dès son plus jeune âge. Alors qu’on arrête de dire que tous ceux qui ont coulé leur startup et fait leur mea culpa sur Medium sont de vrais entrepreneurs. Car un vrai entrepreneur ne met pas la clé sous la porte dès que plus personne ne veut lui donner de l’argent pour poursuivre son hypercroissance. On ne voit cela que dans le monde des startups et c’est désolant. Cela donne une image de fils à papa, qui une fois son jouet cassé, le jette à la poubelle, sans voir s’il peut le réparer.

Dans un parcours d’entrepreneurs, il y a des hauts et des bas, avec des jours où tout va bien, l’argent rentre, les contrats pleuvent et puis parfois tout s’arrête, les clients partent sans explication, la banque coupe les lignes de crédit et il faut repartir au charbon comme on dit pour relancer la machine. Mais fort heureusement la plupart des chefs d’entreprise n’abandonne pas à la première difficulté ! Ils ont une vision d’avenir pour leur boite, pensent à leurs employés et prestataires, à tous ceux qui vivent grâce à eux. Ils vont se battre pour poursuivre leur activité car ils savent qu’en travaillant dur, ils vont pouvoir se relever et que cela fait partie de la vie de l’entrepreneur. Si toutes les entreprises agissaient comme les satrtups qui ferment boutiques dès que les business angels ne leur donnent plus d’argent, il ne resterait pas beaucoup d’entreprise en France…

Alors peut-être que ces startupers sont très bons pour lever des fonds, ou trouver une idée de business (quand ils ne se contentent pas de copier et améliorer une idée existante) mais ce sont de mauvais entrepreneurs pour certains. Ils ne savent pas gérer une boite tout simplement. Ils savent dépenser à tout va, faire de la pub partout, de Facebook, au métro et à la TV, faire parler d’eux, tenir de beaux discours, mais quand à la gestion pure, là il  n’y a plus personne. Quid des ROI ? Du coût d’acquisition client ? De l’évolution des marges ? Des charges salariales ? Des amortissements ? De la valeur ajoutée des services proposés ? C’est sûr que ces points sont bien moins fun à gérer qu’aller blablater dans une soirée networing ou raconter son parcours de rêve dans une conférence. Et puis tant que l’argent est sur le compte bancaire de la société et que les investisseurs ne tirent pas la sonnette d’alarme, à quoi bon s’inquiéter ? L’argent coule à flot dans le milieu du web en France, et puis c’est ainsi qu’on change le monde, non ?… Des vérités qui courent dans le monde des startups depuis bien longtemps.

Sauf qu’on a vu cet été qu’un jour où l’autre cela finissait par s’arrêter et que le retour à la réalité était très difficile pour certains. Encore plus pour ceux qui ne se remettent pas en cause et estiment que c’est la faute de leur board qui ne les a pas alerté à temps et à leurs busines angels qui ne les ont pas suivi pour poursuivre leur hypercroissance pourtant très prometteuse. Le réveil doit être très dur pour ceux qui se sont pris pour les rois du monde et qui pensent toujours, même après leur échec être CELUI qui a monté une boite qui compte dans le milieu. C’est sûr que par rapport à tous ces millions de petits patrons anonymes qui ne passeront jamais ne serait-ce que dans la presse locale, c’est déjà un succès pour eux… Mais les anonymes, eux, ils sont toujours là, ils créent des emplois, de la valeur, apprennent de leurs échecs, recommencent indéfiniment, et ne vont pas raconter tout cela au premier journaliste venu. Ils n’ont pas le temps et surtout personne pour assurer leurs arrières s’ils coulent. Au contraire de ceux qui ont passé 4 ans à créer leur storytelling pendant que leur compte bancaire fuyait à grandes eaux.

Alors peut-être que lever des fonds, c’est un premier pas pour devenir un entrepreneur, faire parler de soi, ouvrir un bureau à New York et embaucher 150 personnes en un an aussi, mais cela reste une étape. Un véritable entrepreneur ne balance pas tout dès que la machine se grippe, ne laisse pas sur le carreau tous ceux qui se sont engagés dans la même galère avec passion, pour aller pleurer sur Medium et prendre un poste de salarié grassement payé à la première occasion. Il serait temps qu’on revienne aux fondamentaux de l’entrepreneuriat et qu’on valorise les vrais entrepreneurs, ceux qui seront encore là dans 10, 20 ou 30 ans, même s’ils ne révolutionneront pas un secteur économique ou n’auront jamais les honneurs du ministre de l’économie dans leurs bureaux.