“Et si Léon en profitait pour amener “Bob” des États-Unis (ou d’ailleurs) ? Reviens Léon, et amène tes potes !”

"Et si Léon en profitait pour amener “Bob” des États-Unis (ou d’ailleurs) ? Reviens Léon, et amène tes potes !"

Depuis une semaine la campagne de communication #reviensleon bat son plein sur les réseaux sociaux et dans les médias. Une opération initiée par 10 startups ayant réussi en France, BlaBlaCar, Capitaine Train, Chaufeur Privé, Dataiku, Drivy, iAdvize, La Fourchette, Showroomprive.com et Sigfox, qui vise à accueillir, ou plutôt faire revenir les bras ouverts, les expatriés de talent qui auraient quitté la France par déception et dont nous avons parlé dès son lancement.

De nombreux expats ont vivement réagi sur Facebook et Twitter devant cette campagne en expliquant pourquoi ils avaient quitté la France, en quoi le rayonnement de la France profitait aussi des français de l’étranger mais aussi pourquoi la France devrait accueillir les talents étrangers qui rêvent de rejoindre l’Hexagone, plutôt que faire revenir ceux qui se sentent bien ailleurs.

Nous avons interrogé 10 français expatriés sur les raisons qui les ont poussés à aller explorer de nouvelles contrées ainsi que leurs projets, leur vision de la France, etc… Dont voici les 5 premiers :

Amine Mouafik, CTO chez Continuous Software, installé à Chiang Mai en Thaïlande

amine

Pourquoi êtes-vous parti ?
A la base pour un échange universitaire avec Pékin durant mon cycle Master a Epitech

Avez-vous l’intention de revenir ? Pourquoi ?
Je reviendrais, ça c’est sûr, quand, je ne sais pas encore. J’ai l’impression de plus profiter de la vie depuis que je suis parti de France, d’avoir trouver des styles de vie alternatifs qui me conviennent.

Que pensez vous de #reviensleon ? Et de la France ?
Rien de spécial. Ni chaud, ni froid. Je serais plus pour parler du système de surveillance nationale qui est passé en douce récemment et que tout les techs français semblent avoir déjà oublié, au profit du pseudo-buzz « Reviens Léon ».

Qu’est ce que vous aimez dans votre pays d’adoption ?
Sabai, sabai. Ça veut dire que tout est tranquille en Thaïlandais. Le sentiment de sécurité aussi. Bien qu’il n’y est pas de gouvernement en Thaïlande pour le moment; je sais que je ne me suis jamais senti autant en sécurité sur Pékin et Chiang Mai que sur Paris.

J’ai l’impression de plus profiter de la vie depuis que je suis parti de France

Florent Crivello, Ingénieur chez Uber, vivant à San Francisco depuis bientôt 3 ans

Florent Crivello

Pourquoi êtes-vous parti ?
Un peu pour San Francisco, beaucoup contre la France. Un ras-le-bol général du contexte français, liberticide et peu propice au développement professionnel.

Avez-vous l’intention de revenir ? Pourquoi ?
Non. Pour citer Charlie Munger, l’associé de Warren Buffet, « Quand on a risqué sa vie à traverser un lac gelé, où la chute signifierait la mort, et qu’on est arrivé de l’autre côté où on peut connaître la prospérité, on n’a pas envie d’y retourner pour essayer encore une fois ». Je ne pourrais pas être plus dans mon élément qu’ici à San Francisco, le centre du monde de l’entrepreneuriat et de la tech, ni, à l’inverse, être dans un environnement plus à l’opposé de mes idées qu’en France. J’y suis, j’y reste !

Que pensez vous de #reviensleon ? Et de la France ?
Je pense que c’est une opération de recrutement maladroite qui ne pouvait que mal tourner. Elle envoie le mauvais message et donne l’impression qu’on montre les expatriés du doigt. Elle ne reconnaît pas l’immense service que ses émigrés rendent à la France, et elle communique des informations qui sont tout simplement fausses, en disant que la France a maintenant des projets révolutionnaires qui se comparent à ceux de la Vallée.

En ce qui concerne la France, je dirais que la crise qu’elle traverse est idéologique et morale avant d’être économique. On ne reconnaît pas la valeur de l’entrepreneur ni la nécessité d’un environnement propice au développement de grandes entreprises, qu’on perçoit encore comme l’ennemi. La solution est toujours vue dans plus d’intervention étatique, plus d’impôts (toujours pour les autres évidemment), plus de réglementation. Jamais dans la libre entreprise, la baisse de la dépense publique ou la simplification du Code du Travail et démarches administratives.

Plus grave, je pense que c’est un accident d’avion dans un ciel bleu. La France a tout pour réussir : une place géographique privilégiée en Europe, une image de marque et une culture inégalées dans le Monde, un style de vie idyllique, beaucoup de talents bien éduqués… Toutes ses déboires lui sont infligées par elle même.

Qu’est ce que vous aimez dans votre pays d’adoption ?
L’ouverture d’esprit et l’intelligence de chacun, l’effervescence des idées et surtout de leur exécution, et tout simplement l’ambiance de bonne humeur et d’énergie qui est présente partout.

En ce qui concerne la France, je dirais que la crise qu’elle traverse est idéologique et morale avant d’être économique

Jeremy de France,  Developper Freelance, Co-fondateur et CTO chez GRI (gri.co) à Bucarest en Roumanie

Jéremy de France

Quel est votre parcours ?
Mes parents Français sont nés au Brésil et à La Réunion. J’ai vécu 7 ans dans l’Océan Indien (Maldives, Réunion, Maurice) avant de venir à Paris pendant environ 20ans. Nomade numérique depuis 2011 j’ai fait le tour du monde (près de 40 pays) en travaillant à distance et en ayant Paris comme ‘camp de base’. Sur la route j’ai lancé avec un ami expat une société à Palo Alto ou j’ai passé 18 mois cumulés. Depuis 2 ans j’ai déménagé à Bucarest. Je travaille avec mon associé a distance et sur plusieurs side-projects sur place ou avec des clients étrangers.

Pourquoi êtes-vous parti ?
Le virus du voyage, découvrir d’autres cultures, rencontrer des gens, faire sauter les préjugés et stéréotypes diffusés dans les médias sur le reste du monde. Pour développer ma créativité car c’est être en mode ‘survie’ permanent et devoir ré-inventer ses habitudes pour s’intégrer. Au final je suis plus parti de Paris que de la France pour m’installer dans une autre capitale Européenne en plein développement.

Avez-vous l’intention de revenir ? Pourquoi ?
Dans un monde interconnecté avec moins de frontières (surtout en Europe) et un coût de transport faible, je ne sais pas ce que veut dire partir ou revenir. Je reviendrais en vacances pour retrouver ma famille et mes amis mais pour vivre j’irais où nous nous sentons heureux avec ma femme ! Si c’est en France, je ne pense pas que ce sera à Paris.

Que pensez vous de #reviensleon ?
Utiliser une pub des années 80 c’est oublier que le monde à bien changé et qu’une maison et un bureau ça peut être n’importe où ! Malgré cela, je trouve que c’est une bonne initiative car cela rappelle qu’il y a plein d’emplois intéressants et de sociétés innovantes en France… Mais pourquoi se limiter aux talents français ? Le futur du travail est distribué !

Et de la France ?
Quand on voyage, on se rend compte que l’image de la France à l’étranger est excellente et quand on rentre on regrette que les Français s’auto-flagellent et se plaignent toujours alors que la France est un pays exceptionnel et de loin ! Mais être fiers de son pays c’est mal vu en France… Un stigmate de la seconde guerre mondiale qu’il faudrait soigner.

Qu’est ce que vous aimez dans votre pays d’adoption ?
Ma femme, le rapport coût de la vie/qualité de vie, gastronomie, traditions, proximité culturelle, dynamique entrepreneuriale des jeunes, vie moins stressante, météo plus agréable qu’à Paris. En tant que bon Français, il y a aussi plein de choses que je n’aime pas mais qui s’améliorent jour après jour !

Utiliser une pub des années 80 c’est oublier que le monde à bien changé et qu’une maison et un bureau ça peut être n’importe où

Julien Barbier, Co-fondateur de while42 et techmeabroad.com, installé à San Francisco, en Californie, USA

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Quel est votre parcours ?
Diplômé de l’Epitech et de l’EGE, j’ai créé et revendu plusieurs startups en France et aux USA. Originaire de Paris, et après un passage à Lyon, puis à Miami (Floride), je me suis installé à San Francisco en 2012 pour prendre la direction du Marketing chez Docker que j’ai quitté en Juin 2015 pour passer plus de temps sur TechMeAbroad.comd, un service permettant de trouver un job dans la Tech à l’étranger.

J’ai également co-fondé while42, le réseau international des informaticiens français et co-créé plusieurs side-projects depuis mon arrivée à San Francisco, dont HNWatcher, un outil de tracking pour Hacker News.

Pourquoi êtes-vous partis ?
Avant de partir aux USA, je dirigeais une petite société de ecommerce à Lyon. Je ne suis pas parti, mais je suis allé aux USA (En Floride) pour attaquer un marché plus grand, et plus compétitif.

Lorsque nous nous sommes fait racheter, je suis parti en Californie pour aider un ami d’Epitech qui avait lancé sa startup à San Francisco. Et j’y suis resté pour monter ma propre startup.

Avez-vous l’intention de revenir ? Pourquoi ?
Je n’ai pas l’impression de vraiment avoir quitté la France. Aujourd’hui les pays ne sont plus définis par des frontières physiques. Les pays sont distribués, et je fais partie de ces français qui sont en France à San Francisco.

Que pensez vous de #reviensleon ? Et de la France ?
Je pense que c’est une initiative qui partait d’un bon sentiment mais qui n’a pas été correctement exécutée. Le tribune initiale publiée dans le journal Le Monde était très maladroite et beaucoup d’expatriés se sont sentis montrés du doigt. C’est dommage.

Pour ce qui concerne le sujet « Tech », je pense qu’il se passe énormément de choses extraordinaires en France. Nous avons de super projets, entrepreneurs, VCs, écoles, startups… et surtout développeurs, informaticiens, mathématiciens, etc… La France est encore loin de la Valley, mais les choses avancent dans la bonne direction.

Qu’est ce que vous aimez dans votre pays d’adoption ?
Ce que j’aime le plus ici c’est que tout est possible. Ou du moins tout semble possible. Les gens sont ouverts, ils rêvent, ils sont positifs, toute la tech est en effervescence permanente, personne ne va vous critiquer parce que vous avez un projet « bizarre », parce que vous êtes trop jeune pour créer une boite ou parce que vous êtes planté avant. Vous rencontrez partout des gens qui ont des super idées de startups. C’est génial.

Ajoutez à cela le climat, et la nature accessible à 30 minutes de voiture de San Francisco et vous avez le lieu parfait pour vivre les 5 prochaines années de votre vie de développeur.

Je ne suis pas parti, mais je suis allé aux USA (En Floride) pour attaquer un marché plus grand, et plus compétitif

Arnaud Meunier, fondateur de GetReal, installé à New York, USA

arnaud meunier

Pourquoi avez-vous quitté la France ?
Au départ, je désirais simplement changer d’air. J’avais envie de découvrir d’autres cultures, d’avoir des expériences professionnelles et humaines dans un environnement différent. Dès que j’ai eu mon Master en CS je suis partis 6 mois dans le Middle East, puis au Brésil, en Pologne… À chaque fois pour des missions de quelques mois. C’est vraiment le côté découverte plutôt que la fuite d’un environnement qui m’a motivé.

Je suis d’ailleurs revenu en France fin 2008 pour démarrer une SARL, Twitoaster  J’ai été invité à une conférence Twitter à San Francisco où mon projet était présenté, et j’ai rejoint Twitter en 2010. J’y suis resté 4 ans, ça a été une expérience professionnelle incroyable. Fin 2014, j’ai souhaité retrouver le challenge de l’entrepreneuriat et découvrir encore un nouvel environnement, j’ai déménagé à New York et j’ai lancé Getreal.

Avez-vous l’intention de revenir ? Pourquoi ?
Oui, mais pas tout de suite. Il y a encore beaucoup de choses que j’ai envie d’explorer ici aux États-Unis, et plus particulièrement à New-York. Mais nous faisons fréquemment des aller retours. J’aime mon pays. Il y a beaucoup de choses qui me manquent, à commencer par le contexte et les valeurs sociales. Je pense qu’on finira par s’y réinstaller.

Que pensez-vous de #reviensleon ? Et de la France ?
C’est une belle initiative ! Mais pourquoi se limiter aux expatriés Français ? La France fait aussi rêver depuis l’étranger. C’est un pays incroyable ! Et si Léon en profitait pour amener “Bob” des États-Unis (ou d’ailleurs) ? Reviens Léon, et amène tes potes !

Plus sérieusement, j’espère que c’est la prochaine étape. J’ai le sentiment qu’il y a trop peu d’expatriés étrangers en France. Je n’y vis plus depuis 5 ans, donc tout ça est évidemment à prendre avec de la distance, mais je pense sincèrement qu’on gagnerait à attirer plus de talents étrangers, à apporter plus de diversité dans le cadre professionnel. Si je redémarrais un projet en France, je chercherais clairement à recruter les talents américains que j’ai pu rencontrer.

Qu’est ce que vous aimez aux USA et que vous ne retrouvez pas en France ?
D’abord la diversité et le mélange des cultures. C’est assez extraordinaire comparé à la France et c’est d’ailleurs encore plus flagrant à New York. C’est une des raisons qui nous a motivé à nous installer là. Il y a ensuite l’enthousiasme et l’optimisme dont les américains font toujours preuve, en particulier dans le travail. Et puis dans une moindre mesure le confort de vie, la culture du service, et la volonté de toujours chercher à s’améliorer.

J’ai d’ailleurs le sentiment qu’on se moque souvent de cet optimisme américain. « it’s great! Awesome! Fantastic!”. C’est sans doute excessif, mais tellement plus agréable et motivant que le côté “Winter Is Coming”. Les U.S. ont également un nombre incalculable de problèmes. Et il me semble que cet optimisme joue un rôle important dans leur capacité à les surmonter.

J’avais envie de découvrir d’autres cultures, d’avoir des expériences professionnelles et humaines dans un environnement différent