“Quand on est multi-potentiel, on a cette liberté que beaucoup ne voient plus parce qu’on nous a appris à toujours finir ce que l’on a commencé, de ne faire qu’une chose à la fois” Guillaume Maison, fondateur de Nexial

"Quand on est multi-potentiel, on a cette liberté que beaucoup ne voient plus parce qu'on nous a appris à toujours finir ce que l'on a commencé, de ne faire qu'une chose à la fois" Guillaume Maison, fondateur de Nexial

Depuis toujours, on nous apprend à se focaliser sur une activité à la fois. Qui n’a jamais entendu ses parents, ses profs, ses amis leur dire “concentre toi sur une seule chose, sinon tu n’y arriveras pas, tu vas t’éparpiller”, ou encore “seuls ceux qui sont focus sur leur projet réussissent”. Mais pourtant, tout le monde est différent, et certains meurent à petit feu en vivant ainsi… Ce sont ceux qu’on appelle aujourd’hui les multi-potentiels, autrefois qualifiés péjorativement d’hyperactifs. De plus en plus la société se rend compte des qualités qu’ils peuvent apporter au monde qui les entoure, grâce à leur curiosité, leur envie débordante de faire plein de choses et leur motivation qui ne faiblit jamais. Sauf lorsqu’ils estiment avoir fait le tour du projet et passent à autre chose sans état d’âme, au grand damne de leur entourage, leur donnant une image de quelqu’un n’allant pas au bout des choses…

C’est ainsi que Guillaume Maison se voit, multi-créateur d’entreprises, associations et autres projets, papa de 3 filles, il a toujours quelque chose sur le feu comme il aime à le dire. Guillaume nous en dit plus :

GUILLAUME MAISON

Pourquoi avez-vous besoin ou l’envie d’avoir plusieurs activités professionnelles ?

Tout simplement parce que j’ai vu des besoins et décidé de prendre en charge la réponse à ces besoins. En premier lieu, j’ai monté un cybercafé à Agen puis pivoté (c’était 3 ans avant l’iPhone 🙂 ) vers mes premières compétences, à savoir monté une SSII (matériel informatique, réseau, support, maintenance, …). Puis sur le Lot et Garonne, suite à un constat avec des confrères que nos prospects/clients avaient plutôt tendance à aller voir à Bordeaux ou Toulouse pour les compétences numériques, j’ai créé fin 2011 l’association eTIC47, des pros du numérique pour faire de cette asso la vitrine des compétences numériques du Département et animer un peu plus le numérique.

Puis fin 2014, j’ai créé le Cluster numérique inoo avec d’autres professionnels “dans l’univers numérique” (pros, pure players, organismes de formation, financiers, …) pour accélérer la transition numérique au vu de la disruption en cours et d’un territoire qui s’y prépare laborieusement. Parallèlement, j’ai créé – en partie en réaction au label Frenchtech des métropoles – la marque #RuralTech qui est devenue un programme de transition économique par le numérique de territoires et qui est porté par ma nouvelle entreprise Nexial.

Mon cheminement professionnel est donc continu, constitué d’opportunités décelées et transformées en projets par l’action et la mobilisations d’acteurs. Ce sont ces opportunités successives couplées à une réflexion forte sur l’entrepreneuriat, la volonté d’apporter du sens, de la signification à ma volonté d’engagement.

Qu’est ce qui vous motive au quotidien ?

Créer et faire. Pour moi, entreprendre et surtout l’épanouissement qui va avec, c’est cette légère schizophrénie entre faire et se regarder faire. Le curseur est toujours en mouvement en fonction de l’humeur, du besoin, de l’envie. Trop de l’un ou de l’autre n’est pas bon. Faire sans se poser de questions sur ce que l’on fait, c’est agir sans éthique, sans humanité. Se poser des questions sur ce que l’on fait sans agir, c’est se regarder mourir à petit feu.

Pour moi, entreprendre et surtout l’épanouissement qui va avec, c’est cette légère schizophrénie entre faire et se regarder faire

D’où vient ce besoin de créer et de faire ?

Pour l’exprimer, j’utilise souvent l’image du principe de création. Quelque chose qui s’écoule “par moi”, “à travers moi” et qui me pousse à créer et à faire. Bref Créer et Faire sont mes deux motivations et plaisirs. Mon utopie serait d’être en capacité d’aider/d’accompagner chacun de mes proches à créer le boulot de leur rêve.

C’est quoi votre définition de la réussite ?

Je ne crois pas qu’il y ai de définition absolue de la réussite. Chacun en a sa définition. Chacun se construit sa définition de la réussite, par ses expériences mais aussi par les définitions des autres. Pour moi, ce serait d’avoir la possibilité à la fois de réaliser ses rêves, ses envies mais d’être toujours en capacité d’en avoir, d’en créer de nouveaux pour toujours avancer. Être en capacité de faire plaisir également à celles et ceux que l’on aime. Même s’ils changent au fur et à mesure du temps. Il y a donc une part d’insatisfaction permanente. A notre époque, une partie de cette réussite intègre également un certain niveau de revenus financiers, ne serait-ce que pour éviter une exclusion sociale et un certain confort matériel – encore que mon niveau de confort matériel est très… spartiate selon mon épouse qui me dit souvent que je pourrais vire au fond d’une grotte que ça ne me changerait pas grand chose. Mais c’est ma vision de la réussite.

La réussite pour moi, ce serait d’avoir la possibilité à la fois de réaliser ses rêves, ses envies mais d’être toujours en capacité d’en avoir, d’en créer de nouveaux pour toujours avancer

Qu’avez vous sacrifié pour tout gérer ?

La chose la plus importante qui a toujours été – et est encore – dans la balance c’est une situation financière très instable et relativement basse. J’ai également sacrifié – forcément – de l’argent et du temps. Du temps pris sur la famille, les amis. En multi-activités, on a des associés dans chacune des activités. Ce sont des choses à gérer et parfois, ce n’est pas chose aisée et on doit sacrifier une partie de ses relations. C’est aussi du temps pris sur le sommeil, sur des plaisirs, des vacances. Et donc parfois des sacrifices sur le sommeil. Mais ce sont des choses qui évoluent, en permanence. Le sommeil un temps, de l’argent un autre temps, des relations familiales plus tendues, etc… Parfois au même moment, parfois de manière consécutives. Et parfois, tout va bien.

J’ai également “retardé” un de mes plus grands passe-temps : la peinture – la copie de tableau pour être précis. Du fait de créations multiples d’entreprises et d’avoir eu 3 enfants, j’ai préféré “retarder” ce plaisir à des temps plus calmes, si jamais ils arrivent 🙂

Quel genre d’entrepreneur êtes-vous ?

Un peu fou-fou. J’aurais tendance à vouloir porter plein de projets différents. Même si j’ai tendance à m’assagir. Je suis en détection permanente d’opportunités en tout, toujours en mode création d’idées. J’ai toujours 3 ou 4 idées dans ma besace, en “attente de”. Ma dernière entreprise prévoit justement un bout de son activité comme l’équivalent d’une couveuse, d’un incubateur – même si pour l’instant, je n’ai pas les moyens de m’y consacrer. Si je devais découper une activité entrepreneuriale, je dirais qu’il y a une part de création, suivie d’une part d’organisation suivie par une part d’action. Mes performances se situent dans la création et dans l’action. Beaucoup moins dans l’organisation. J’ai donc toujours cherché à m’associer avec des personnes qui étaient en capacité d’organiser les choses pour moi. Ce que j’ai toujours trouvé jusqu’à présent. J’utilise souvent l’analogie suivante pour me décrire en tant qu’entrepreneur – et en même temps mes relations avec mes associés : je me donne parfois l’impression d’un bulldozer dans une forêt qui avance “par là, dans cette direction”. De temps à autre je m’arrête et regarde autour de moi. Et ce que j’attends, quelque part, de mes associés, c’est qu’ils construisent la route sur le chemin que j’ai tracé. Parce que ça, je ne sais pas très bien le faire et que certains savent très bien le faire et y prendre plaisir.

J’ai toujours 3 ou 4 idées dans ma besace, en “attente de”

Auriez-vous créé votre entreprise en association ?

Oui. J’ai d’ailleurs créé deux associations professionnelles. Pour moi entreprendre ne relève pas de la forme juridique mais de la volonté de développer un projet, de prendre en charge la résolution de tout ou partie d’un problème. Que ce soit sous forme d’entreprise ou d’association, c’est envisageable. Quelque soit la forme juridique, par contre, j’envisage de rester le pilote du projet entrepreneurial.

Comment ressentez-vous le regard des autres et de la société sur votre multi-activités ?

Bizarrement le ressenti est double et opposé : certains ont un regard admiratif et d’autres me prennent pour un fou – et parfois les deux se cumulent. J’ai souvent eu des recommandations de ne pas m’éparpiller, des remarques comme quoi j’en faisais trop. mais pour être franc, je ne regarde pas ces retours. J’en prends note et compare ces commentaires, ces regards, avec mon envie, mon ressenti et ce que je veux faire. Mais je reste dans ma dynamique du multi-activités et de mes idées et actions du moment. J’intègre certaines remarques qui relèvent du bon sens. Mais si je “sens” quelque chose, je continue, quoiqu’il arrive. En dépit de ces regards.

Si je “sens” quelque chose, je continue, quoiqu’il arrive. En dépit de ces regards

Avez-vous toujours été ainsi à mener plusieurs activités de front ?

Probablement. Disons que je n’ai jamais su rester en place. Tous mes emplois salariés l’ont démontré où en entrant toujours par le bas de la hiérarchie de ces structures, je ne suis jamais resté en place et en très peu de temps, j’ai évolué et “grimpé” dans la hiérarchie ou alors créé mon poste. L’entrepreneuriat ne m’est vraiment “tombé dessus” qu’en 2010. Pour être précis, c’est le moment où j’ai pu mettre un nom sur ce que je voulais faire, ressentais. Et c’est à partir de là que ma “multi-activités” s’est déclarée et développée. Avec parfois de l’appréhension, de l’incompréhension par rapport à cette apparence de “girouette” – apparence par rapport aux canons de l’école, aux poncifs de la “sagesse populaire”, etc…

Vous pensez-vous expert en une de vos activité plus qu’une autre ?

Expert ?… non. J’ai des compétences, mais l’expérience m’a montré qu’il y a toujours quelqu’un qui est plus expert que vous. Alors, j’ai mis mon orgueil ailleurs que là dessus. Je continue à apprendre en permanence, sur beaucoup de sujets. Et j’évite de me comparer à d’autres. Si je pense que sur un sujet quelqu’un est plus compétent que moi, je le solliciterai. Et surtout, je continue de toujours donner mon avis car s’il n’est pas juste ou si je suis dans l’erreur, quelqu’un me le dira, me l’expliquera et j’aurai alors la possibilité d’apprendre encore plus. Et de faire toujours plus. d’essayer toujours plus.

Vous verriez-vous vous spécialiser sur une seule de vos activités ? Pourquoi ?

Non ! Je considère que ma force est justement dans cette poly-activités. Ma force se situe surtout dans la créativité, dans le leadership et dans l’action. Or, pour moi, ces trois éléments *doivent* intégrer des univers différents, doivent être en permanence “challengés” par des éléments extérieurs, nouveaux. Je pense que la créativité et les idées, les inventions, naissent de l’interaction de noosphères différentes. Alors je m’efforce de maintenir cette diversité sans jamais vouloir les réunir ou faire en sorte qu’une noosphère l’emporte sur l’autre.

Avez-vous tenté de lutter contre votre multi-activités ? Vous êtes-vous fait accompagner ? Vous sentez-vous parfois anxieux ou différent, ou pas totalement en phase avec vos proches ?

Non. Pas vraiment. Je me suis rendu compte que cette multi-activités dans un espace de temps constant n’était pas propice au développement de tout ce que je veux faire. Mon épouse me demande parfois de ralentir et c’est difficile. Certains de mes proches ou amis ont “décroché”. Je tente de réaliser la quadrature du cercle 🙂 mais j’ai cette part d’égoïsme, d’égocentrisme et/ou de narcissisme qui me force à avancer, tout le temps, en permanence. Et parfois, je relève la tête pour voir où j’en suis, où en sont ceux qui m’accompagnent.

J’ai cette part d’égoïsme, d’égocentrisme et/ou de narcissisme qui me force à avancer, tout le temps, en permanence

Comment vivez-vous votre multi-potentialités tout simplement ?

C’est parfois tendu de se dire que l’on ne va jamais jusqu’au bout des choses. Il y a une part de renoncement. Mais est-ce vraiment cela ? Est-ce que l’on ne va pas simplement jusqu’à *notre* bout des choses ? Et puis on peut y revenir. On a cette liberté que beaucoup ne voient plus parce qu’on nous a appris à toujours finir ce que l’on a commencé, de ne faire qu’une chose à la fois. Ben moi, je ne peux pas. et je ne veux pas. Et tant pis si je ne rentre pas comme il faut dans les canons sociaux. J’aime ce que je fais, tout ce que je fais, et je les fais toutes du mieux que je peux, en progressant tout le temps, en apprenant toujours. Je pense que cette multi-potentialités me permet d’avoir une vue plutôt systémique des choses et de conserver cette part de créativité. Certains – et parfois moi même – sont tentés de me croire narcissique : si j’aime faire tout ça, c’est parce que ça me donne l’impression d’être exceptionnel, que je suis grand beau et fort, etc. Mais, en regardant bien, j’aime faire. C’est cela qui me motive le plus. Créer et faire.

Est-ce que l’on ne va pas simplement jusqu’à *notre* bout des choses ?