Alors que depuis une semaine la campagne #reviensleon initiée par 10 grandes startups françaises bat son plein, nous avons voulu interroger ces français qui s’expatrient pour connaitre leurs motivations, leur vision de la France, leur envie de revenir ou pas. Après le premier volet hier, voici la suite avec 5 autres entrepreneurs français installés à l’étranger :
Marc Verstaen, CEO of TextMe installé à San Francisco aux USA
Pourquoi êtes-vous parti ?
Je suis arrivé en Californie en 1996. Je dirigeais une start-up parisienne que j’avais fondée en 1996 et qui marchait très bien. Je ne suis pas parti, je suis allé en Californie, attiré par la richesse de l’environnement professionnel et la qualité de vie, la possibilité d’apprendre en travaillant avec les meilleurs, tout en vivant à 15 minutes de réserves naturelles.
Avez-vous l’intention de revenir ? Pourquoi ?
Je n’ai pas l’intention de revenir. Je ne suis pas bloqué sur le sujet, mais j’ai toutes les raisons de rester en Californie.
Que pensez vous de #reviensleon ? Et de la France ?
Je pense que #reviensleon se trompe de problème. La France ne manque pas d’ingénieurs très qualifiés et compétents, mais elle les utilise mal. La plupart sont orientés en priorité vers les sociétés de services, les start-ups paient assez mal (de ce que j’en sais) et ne partagent pas les fruits de la réussite.
Qu’est ce que vous aimez dans votre pays d’adoption ?
J’aime de vivre près de l’océan, près de parcs naturels, presque à la campagne (j’habite Redwood City, à 40 minutes au sud de San Francisco), au calme tout en ayant accès à des ressources fantastiques pour mon métier (ça n’est pas applicable à tous les métiers, je le reconnais).
La France ne manque pas d’ingénieurs très qualifiés et compétents, mais elle les utilise mal
Mathieu Feulvarc’h, Senior Product Architect, chez MyRepublic, fournisseur d’acces Internet sur fibre optique a Singapour, Nouvelle Zealande et Indonesie
Pourquoi êtes-vous parti ?
J’ai reçu une offre que l’on ne peut pas refuser d’une start-up américaine dans le domaine de la gestion des documents pour les avocats. Salaire double de celui en France (je suis issus d’un IUP et non d’une grande école), poste important mais surtout perspectives d’avenir énormes pour la start-up. Ma femme étant asiatique, il était certain que nous quitterions la France à un moment donné et bien que je visais naturellement l’Asie, j’ai accepté l’offre après 3 heures de discussion avec les fondateurs (sur un entretien qui devait durer initialement une demi-heure).
Avez-vous l’intention de revenir ? Pourquoi ?
Ne jamais dire jamais. Je n’ai rien contre la France même si je ne pense pas revenir tout de suite. Je vis maintenant en Asie avec ma femme et nos deux enfants dont l’un est né là-bas et ma cellule familiale est autant française qu’asiatique (une femme et un enfant nés en Asie, moi-même et notre autre enfant nés en France) et comme ma structure familiale est différente, je suis autant chez moi ici qu’en France.
Nous serions prêts à rentrer en France si nous trouvions des conditions de travail et surtout de vie équivalentes, ce qui n’est pour l’instant pas le cas: aide à domicile pour les enfants, les tâches ménagères, piscine et jeux en bas de l’appartement dans le complexe, sentiment de sécurité lié à la ville-État de Singapour. Au niveau travail, en France, j’ai toujours perçu une certaine ségrégation selon son diplôme alors qu’aux États-Unis et en Asie, cela n’a peu ou pas d’importance tant que l’on fait ses preuves.
Que pensez vous de #reviensleon ? Et de la France ?
#reviensleon ? Une bêtise même si l’idée qui est de faire parler d’eux fonctionne très bien. Il y avait sûrement d’autres façons de faire passer un tel message de la fuite de cerveaux et celui choisi les dessert. Ma vision de la France actuelle: pessimisme, corruption au niveau des élus, pente descendante et chômage (et oui, je regarde le journal télévisé en replay tous les jours ou presque afin de me tenir informé).
Qu’est ce que vous aimez dans votre pays d’adoption ?
Ce que j’aime à Singapour? Sa localisation géographique au milieu de tout, son dynamisme, les chances qu’elle m’a données, les rencontres et entretiens que j’ai pu faire que, je suis sûr, je n’aurais pu faire en France, la sécurité et le plein emploi ou presque (même si cela a un cout), la chaleur 🙂
Au niveau travail, en France, j’ai toujours perçu une certaine ségrégation selon son diplôme alors qu’aux États-Unis et en Asie, cela n’a peu ou pas d’importance tant que l’on fait ses preuves
Sylvain Kalache, co-fondateur de TechMeAbroad installé à San Francisco aux USA
Quel est votre parcours ?
Je suis le co-fondateur de TechMeAbroad, un site qui connecte les sociétés Tech avec les talents au delà des frontières. Je suis un ancien employé de SlideShare qui a été racheté par LinkedIn. J’ai aussi co-fondé while42, un réseau pour ingénieurs en informatique français, présent dans plus de 40 villes avec 3000 membres.
Pourquoi êtes-vous parti ?
Je suis parti en Chine en 2008 pendant mes études avec pour envie de découvrir le monde, la Chine est un pays tout juste fascinant. L’année d’après je suis parti à San Francisco avec l’idée d’améliorer mon anglais et découvrir la Silicon Valley, choix très logique pour un ingénieur en informatique.
Avez-vous l’intention de revenir ? Pourquoi ?
J’ai passé toute ma vie à déménager, pendant les 18 premières années de ma vie j’ai déménagé 11 fois en France, puis dès 2008 je suis donc parti et jamais revenu. Je suis marié à une Russe et San Francisco est la ville dans laquelle j’ai vécu le plus longtemps.
La France est mon pays, mais ma maison est le monde. Si je déménage, ça sera quelque part où je n’ai pas vécu, je veux découvrir les richesses de notre monde.
Je n’ai pas décidé si je reviendrai ou non en France, c’est une possibilité bien probable bien entendu. C’est un pays que j’aime, mais j’y ai déjà vécu 18ans.
Que pensez vous de #reviensleon ? Et de la France ?
#ReviensLeon part d’un bon sentiment, du moins d’après ce qu’on peut lire sur le site: “vous français qui êtes partis faire votre expérience à l’étranger, apprendre de nouvelles choses, seriez-vous intéressés par revenir en France? Car nous travaillons dur pour construire des boites sympas et nous recrutons“.
Malheureusement ce message était sur une pente très glissante de la critique de l’expatrié français: assimilé par beaucoup comme une catastrophe pour la France, une trahison. Certains journaux se sont emparés de l’histoire, l’ont tournée à leur sauce et ce fût le retournement de situation.
Bien que l’ambition initiale de l’initiative était bonne, non seulement le message était dangereux, mais c’est mal aborder le problème. Tout d’abord car les français à l’étranger sont une chance pour la France: ils font rayonner la France à l’étranger par leurs talents, ils créent et entretiennent les relations et flux économiques entre la France et l’étranger. Leur dire de revenir de cette façon semble très maladroit.
Je sais de quoi je parle, je suis expatrié depuis 2008 et je ne me suis jamais senti aussi utile à mon pays. Pourquoi? Et bien par ce que j’aide de nombreux entrepreneurs, ingénieurs et professionnels Français en partageant mon carnet d’adresses pour trouver des clients/partenaires ou même lever de l’argent. Je donne des speech sur ce que j’apprends ici, des nouvelles méthodes de travail, des technologies utilisées dans la Vallée… Tout cela rentre et sert à la France.
Dans une économie globale, un pays doit se placer à la même échelle pour continuer à prospérer. Avoir des citoyens partout dans le monde pour effectuer cette diffusion est juste nécessaire. Nous avons des diplomates politiques depuis longtemps, pourquoi ne pas avoir des “diplomates pour le business”.
Qu’aimez-vous dans votre pays d’adoption ?
Je tiens à préciser que la Californie et la Baie de San Francisco sont très différentes du reste des États-Unis.
J’aime le côté cosmopolite de la ville, des gens de littéralement partout dans le monde viennent à San Francisco, 35% de la population n’est pas américaine. Cela se reflète dans les personnes que je côtoie, l’ouverture d’esprit, les célébrations, la nourriture… C’est un univers très divers où chacun a sa place.
J’aime que les gens embrassent le changement, soient des early adopters, veulent entreprendre. Il n’y a pas de snobisme, l’entraide est au cœur de la Silicon Valley, même les gens à succès qui ont peu de temps libre jouent le jeu. C’est un environnement très stimulant, comme à Los Angeles où chacun joue dans un film ou travaille sur un script, à San Francisco chacun a un projet de startup.
Nous avons des diplomates politiques depuis longtemps, pourquoi ne pas avoir des “diplomates pour le business”
Vincent Delacourt, CEO Founder d’Adama Development, installé à Shanghai en Chine
Pourquoi êtes-vous parti ?
Je suis parti en 2007 en Chine pour monter ma société de contrôle qualité textile. Nous avons monté cette société avec 5 amis d’école d’ingénieur. Il nous fallait être présents là où la production textile se faisait. Nous sommes partis chacun dans un pays différent.
J’ai ensuite monter plusieurs boites et me suis rapproché de mes compétences premières : l’informatique. Après deux ans en Inde je suis de nouveau en Chine où je viens de fonder ma société de service en informatique.
Avez-vous l’intention de revenir ? Pourquoi ?
Pour le moment, je n’ai pas l’intention de revenir en France. Je capitalise sur mon expérience de la Chine et ayant créé une nouvelle boite cette année, il était plus facile pour moi, d’un point de vue juridique et financier de créer ma boite en Chine. Je comprends mieux les différentes démarches et le système de taxe est pour moi avantageux ici.
Que pensez vous de #reviensleon ? Et de la France ?
En ce qui concerne #reviensleon, je comprends la démarche et je n’exclus pas de revenir en France d’ici une quinzaine d’années. Il me semble important de garder nos compétences en France, malheureusement pour le moment, je ne trouve pas ça assez attractif.
Qu’aimez-vous dans votre pays d’adoption ?
Pourquoi j’aime la Chine ? J’y ai d’abord trouvé ma femme. Également il s’agit d’un pays challengeant. La différence culturelle et la langue ont été pour moi un vrai défi.
Il me semble important de garder nos compétences en France, malheureusement pour le moment, je ne trouve pas ça assez attractif
“J’ai ensuite monter plusieurs boites”
monté * 😉
Très bon article, merci Peggy André !