Les entrepreneurs auraient-ils perdu le goût du risque ?

Les entrepreneurs auraient-ils perdu le goût du risque ?

En France lorsqu’on annonce qu’on va recruter un premier salarié pour son entreprise, tout le monde est horrifié et chacun y va de sa petite anecdote bien pessimiste qui en ferait déprimer plus d’un, si la motivation et l’ambition n’étaient pas présentes. A en croire les entrepreneurs, embaucher serait voué à l’échec, surtout avec le code du travail, les charges, la législation de notre pays, comme ils aiment à le répéter. Connaissent t-ils ailleurs ? Rien n’est moins sûr…

Idem lorsqu’on pense à prendre une agence de communication pour des relations presse, ou externaliser sa logistique ou encore faire appel à un business développeur. Car selon la croyance, l’entrepreneur d’aujourd’hui devrait savoir tout faire : avoir l’idée, la développer, l’exécuter, faire le community management, les RP, le commercial, la comptabilité, être dans tous les events, etc… L’entrepreneur serait donc un superman(woman) doté de toutes les qualités nécessaires pour faire décoller puis exposer sa boite, se payer, se faire connaitre, être un expert dans son domaine et pérenniser son activité, tout en restant seul le plus longtemps possible (ou à jamais). Whaouh, quelle pression !…

C’est un peu le même débat entre ceux qui créeront leur boite et ceux qui ne le feront jamais. La création c’est un premier risque, le développement un autre. On a rien sans risque. A un moment il faut se lancer. Car ce qu’on oublie, c’est que tout faire seul empêche la croissance de son entreprise, car on finit par refuser du travail, se perdre dans les choses qu’on ne maitrise pas et s’user au final.

C’est d’ailleurs peut-être pour cela que les entreprises ne grandissent pas en France ? 95% n’ont pas de salarié, rappelons-le. On peut accuser le système français certes, mais ne serait-ce pas plutôt une aversion pour le risque de la part de tous ces nouveaux entrepreneurs ? Le risque de ne pas recruter la bonne personne, que l’activité ne se développe pas comme on l’espérait, d’avoir trop de charges à payer, que la conjoncture s’aggrave, de ne pas pouvoir licencier, etc… Dans la vie d’un entrepreneur, le risque est toujours présent, et ce n’est pas parce qu’on n’embauche pas ou qu’on externalise pas qu’on maitrise beaucoup plus la destinée de sa boite. Par contre on la pénalise fortement dans son développement et sa croissance. Car bien que les entrepreneurs pensent savoir tout faire, ils n’en n’ont pas forcément le temps et quoiqu’ils en pensent, ils ne sont pas bons dans tous les domaines. Vous pensez que Mark Zuckerberg en serait arrivé là s’il n’avait pas embaucher ses premiers développeurs, une équipe de com’ et des pros de la finance ? Facebook serait certainement resté un trombinoscope interne à Harvard et le monde ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui.

Un entrepreneur ne devient un chef d’entreprise que le jour où il apprend à déléguer, à faire confiance à d’autres personnes que lui pour faire exploser son projet et à prendre des risques. Les risques de tout perdre, de se planter, de mal s’entourer, de ne pas avoir LA bonne idée, etc… C’est certain qu’en ne faisant rien, on ne rate rien, mais quand on crée sa boite, c’est pour créer de la valeur, apporter sa contribution à la société, participer à l’effort collectif, construire un monde meilleur, seul vous croyez que c’est faisable ? Évidemment non. Quelle success story peut se vanter d’avoir réussi avec un seul homme (ou femme) ? Aucune. Les belles aventures sont collectives. Ce ne sont pas les sportifs qui nous donneront tort, même en tennis ou en kayak.

A trop vouloir baliser sa création d’entreprise, à rester seul “le plus longtemps possible”, à tout gérer soi-même, à investir le minimum, il y a de fortes chances pour que le job qu’on a créé en reste un et ne devienne jamais une véritable entreprise. Ce qui ramène à l’idée qu’être entrepreneur ce n’est pas forcément créer une entreprise, c’est même plutôt simplement créer son propre emploi avant tout. Il n’y a que l’exécution du projet qui pourra dire si c’est une boite ou un emploi.

Tout le monde n’est pas fait pour prendre des risques, même si cela n’enlève rien au fait que chacun peut être entrepreneur. Mais il ne faut pas imaginer lancer le projet du siècle sans en prendre un minimum, voir un maximum et se balancer au dessus du vide, sans filet de sécurité. Créer son job ou une entreprise, ce n’est pas la même chose, il faut bien faire la distinction car le travail et l’aventure ne seront pas les mêmes. Les ascenseurs émotionnels non plus, le niveau de stress encore moins. A vous devoir ce que vous êtes prêts à sacrifier, risquer et mettre dans la balance pour aller là où vous devez être.