A trop vouloir aller vite, les startupers ne risquent ils pas de se brûler les ailes ? Souvenez-vous de la fable de Jean de la Fontaine, le Lièvre et la Tortue, la fin s’est maintes fois révélée dans la réalité, il y a des étapes que la vie nous impose de ne pas éviter pour arriver à bon port.
La levée de fonds est aujourd’hui le Graal pour tous les startupers en herbe qui sortent de l’école de commerce sans un sou d’avance et qui pensent que les investisseurs vont leur tendre les bras et les mener vers le succès très rapidement. Une théorie qui vulgarise l’entrepreneuriat comme une simple course aux dollars (ou euros) et à une valorisation parfois dénuée de tout sens commun, au regard de l’offre commerciale, du business model et du travail effectué. Car aujourd’hui réussir ce n’est plus faire du chiffre d’affaire, créer de la valeur et des emplois, mais lever des fonds. Annoncez que vous avez levé 300 000€ et paf vous voilà en Une des médias web. Qu’allez-vous en faire, on s’en fiche, mais votre levée rajoute une poignée de paillettes dorées sur la scène startup française dans les classements internationaux.
Tout cela sans passer par les étapes qui font du startuper un véritable entrepreneur. Celui qui est passionné par son projet, qui se bat, qui rebondit, qui fait des miracles avec des bouts de ficelles, qui visite une centaine de locaux avant de signer son bail, qui vit sur ses économies pendant 1 ou 2 ans la rage au ventre, qui passe par des hauts et des bas en moins d’une heure chaque jour, mais qui au bout du compte veut créer de la valeur, veut faire bouger les lignes, veut créer des emplois, veut participer à relancer la France. Un état d’esprit qui se perd actuellement depuis que les VC ont ouvert les vannes du financement attirant ceux qui n’ont au fond d’eux, aucune âme d’entrepreneur, mais qui rêvent de gloire et de fortune. L’un et l’autre ne sont pas blâmables bien évidement, mais c’est la façon de les obtenir qui l’est.
Qu’un entrepreneur devienne la coqueluche des médias et gagne très bien sa vie après avoir travaillé à la sueur de son front, misé toutes ses économies et bataillé pour en arriver là, soit. Que le petit jeune soit vu comme son alter égo parce qu’il a levé 500 000€ en amorçage grâce à son réseau, sans Business Model mais avec une potentielle communauté, sans aucune vision d’avenir pour sa boite si ce n’est ouvrir un bureau à SF pour le fun, ce n’est pas normal. Où est l’essence même de l’entrepreneuriat ? La passion, la valeur, le stress, les risques, l’envie de se battre pour manger un marché à la sueur de son front, où passe tout cela quand on commence par chercher des investisseurs qui vont nous ouvrir toutes les portes ?
Réussir son aventure entrepreneuriale cela se mérite et ne s’obtient pas en un claquement de doigts parce qu’on connaissait les bonnes personnes, qu’on a levé des centaines de milliers d’euros ou qu’on surfe sur la vague du “tous entrepreneurs” qu’on soit bon ou mauvais. De plus valoriser cette tendance dans les médias donne une fausse image du métier, qui serait facile, qu’il y aurait de l’argent partout, qu’il suffirait de frapper aux bonnes portes pour devenir un leader. C’est faux et tous les entrepreneurs, les vrais, ceux qui ont misé leurs petits sous et travailler comme des fous vous le diront : on n’a rien sans rien et si on n’a pas une âme d’entrepreneur, on n’ira pas loin.
Entreprendre c’est une course de fond, pas une course à la levée de fonds. Beaucoup l’ont oublié ces dernières années. Mais quand on veut brûler les étapes, on finit par s’en mordre les doigts. Seuls ceux qui s’adapteront – qui sauront vraiment gérer leur boite et exécuter leur projet- s’en sortiront. Il ne reste qu’à attendre que l’écrémage ne se fasse.