Du 6 au 8 octobre prochain se déroulera la 17ème édition du salon des micro-entreprises à Paris. Depuis sa 1ère édition en 1999, le Salon des micro-entreprises s’adresse aux créateurs et dirigeants de « petites entreprises » employant le plus souvent moins de 10 salariés, soit 95,5% des entreprises en France.
Cette année le salon mettra en lumière les « Entrepreneurs en Réseaux » et valorisera toutes les dynamiques vertueuses qui dopent le business et la visibilité des petites entreprises : le crowdfunding, le coworking, les réseaux sociaux, les réseaux d’accompagnement seront à l’honneur au sein des stands et des conférences.
L’inscription est gratuite pour tous : http://www.salonmicroentreprises.com/espace-visiteurs/inscription/salon-micro-entreprise.php. 25 000 visiteurs sont attendus sur le salon.
Ce salon des microentreprises est l’occasion pour nous d’interroger Alain Bosetti, Président du salon, sur sa vision de l’entrepreneuriat en France :
Actuellement il y a une tendance “tous entrepreneurs”. A quoi est-ce dû ? Est-ce un effet de mode ?
Trois facteurs expliquent selon moi l’envie croissante d’entreprendre des français.
D’abord, c’est une tendance de fond que l’on peut faire débuter en 2003 avec la Loi Dutreil pour l’initiative économique qui intronisa notamment la « sarl à 1 euro » ou « sarl à capital variable ». Nous sommes ainsi passés d’une moyenne de 200 000 entreprises créées par an en France à 300 000.
Puis cette tendance a été accélérée par le phénomène auto-entrepreneur en 2009 sous l’impulsion d’Hervé Novelli. Ce qui a permis de doubler le nombre annuel de créations d’entreprise. Et qui semble aujourd’hui stabilisé autour de 550 000 nouvelles entreprises chaque année. Ce qui place la France dans le peloton de tête sur le critère « taux de création d’entreprises » en Europe. L’auto-entrepreneur a eu comme comme grand mérite de faire considérer aux français l’entrepreneuriat comme une option crédible.
Le 3ème facteur est la révolution numérique qui ouvre un champ du possible quasi infini pour remodeler voire ré inventer des activités. La consommation collaborative en est un exemple remarquable. Cette révolution attire notamment de jeunes entrepreneurs qui rêvent de lever des fonds et de créer le nouveau Facebook, Twitter ou Airbnb.
La révolution numérique ouvre un champ du possible quasi infini pour remodeler voire réinventer des activités
Est-ce que tout le monde peut vraiment devenir entrepreneur ?
En théorie, tout le monde peut devenir entrepreneur. Chacun avec sa propre ambition, ses propres objectifs.
Pour certains, entreprendre, c’est compléter ses revenus en transformant une passion en activité, notamment grâce au régime de l’auto-entrepreneur. Pour d’autres, entreprendre, c’est créer leur propre emploi, pour surmonter une période de chômage. Pour d’autres encore, il s’agit de gagner leur indépendance pour exercer leur métier comme ils l’entendent et non comme « on leur dit de faire ». Pour d’autres enfin, entreprendre, c’est « conquérir le monde ».
Et gagner sa vie ?
Selon les années, entre 45 et 60 000 entreprises disparaissent à la suite de résultats insuffisants, de fautes de gestion, d’erreurs stratégiques ou d’absence de vision. Donc, si en théorie, tout le monde peut réussir, en pratique, la réponse est non. Mais n’est pas ainsi dans tous les domaines ? Tous les jeunes footballeurs ne deviennent pas Zidane. Et nombreux son ceux qui ne deviennent pas professionnels. Pourquoi en serait il autrement dans le domaine de l’entrepreneuriat ?
Mais pourquoi ne pas essayer à partir du moment où le projet est cadré notamment au plan financier, exercé dans un domaine de compétence forte, porté par un créateur animé par le désir de réussir. Vous pouvez réaliser beaucoup d’études de marché, celles-ci ne réduiront pas le risque d’échec et ne garantiront pas non plus le succès. Regardez le nombre de nouveaux produits de grande consommation qui sont lancés chaque année par de grandes marques, soutenus par des budgets très importants en études consommateurs et en publicité. Quel est le taux de succès ? 1% ? 10% ? En tout cas bien moins, que le taux de pérennité des créateurs d’entreprises : 55% après 5 ans et 70% s’ils sont accompagnés.
Tous les jeunes footballeurs ne deviennent pas Zidane. Pourquoi en serait il autrement dans le domaine de l’entrepreneuriat ?
Les 2/3 des entreprises françaises sont des TPE. A quoi attribuez-vous cette spécificité ? La petitesse des entreprises n’est-elle pas un frein à la reprise de l’emploi ? Comment donner les moyens à ces TPE de grossir ?
Ce ne sont pas les 2/3 mais 94% des entreprises françaises qui sont des TPE ou, pour respecter la nomenclature de l’Insee, des micro-entreprises, c’est à dire des entreprises qui emploient moins de 10 salariés. Ce n’est pas spécifique à la France. En Europe, aux USA, 90% des entreprises sont des micro-entreprises. Ce qui caractérise, hélas, la France, c’est le nombre insuffisant d’ETI (Entreprise de Taille Intermédiaire). Plus vraiment des PME et pas encore des grands groupes.
Comparons nous, c’est d’usage, avec notre voisin allemand : il nous manque 4 à 5000 ETI pour avoir une structure d’entreprises comparable avec l’Allemagne. Ce n’est pas nouveau. Cela fait 10 ou 15 ans que ce constat alimente les réflexions et discours des politiques et des responsables patronaux. Avec 4 ou 5000 ETI de plus, les problèmes d’emploi qui structurellement pèsent sur notre pays seraient réglés.
Mais ce n’est pas parce que le diagnostic est porté que la guérison est proche. Tout simplement, parce que transformer une TPE en PME et une PME en ETI ne se décrète pas. Il faut de la cohérence et de la continuité. Par exemple en évitant de jouer au yoyo fiscal avec les entrepreneurs. Parce qu’un discours politique volontariste n’est pas une formule magique de la croissance. Il faut du pragmatisme, avec des expérimentations. Par exemple, tester pendant 3 ans la suppression de seuils de salariés et en évaluer les conséquences. Au lieu de consacrer des milliers d’heures à s’écharper verbalement sur le sujet.
Parce qu’un gouvernement et un parlement composés de membres qui, pour la plupart, n’ont jamais créé une entreprise de leur vie, voire n’ont jamais fait plus que des stages en entreprise, peuvent difficilement comprendre la vie et la psychologie d’un entrepreneur. Parce qu’une remise de rapport ne suffit pas. Il faut en appliquer les recommandations et ne pas les laisser dans un tiroir. Parce que enfin, voter des lois ne sert à rien si une étude d’impact digne de ce nom n’a pas été effectuée en amont et si ces lois ne sont pas réellement appliquées.
Bref, je pense que faire grandir les entreprises françaises est possible avec moins de bla-bla idéologique, moins de réglementations, plus de Vision sur ce que nous souhaitons pour notre pays, pour l’Europe et plus de pragmatisme au quotidien.
Par exemple, très concrètement pour encourager et faciliter le travail en réseau des entrepreneurs.
Je pense que faire grandir les entreprises françaises est possible avec moins de bla-bla idéologique, moins de réglementations, plus de Vision sur ce que nous souhaitons pour notre pays
“Entreprendre en réseau”, c’est aujourd’hui une réalité, mais n’est-ce pas une obligation pour faire face aux difficultés de l’entrepreneuriat ? Dans quelle mesure le réseau aide les entrepreneurs ?
Entreprendre en réseau est une réalité pour moins d’un entrepreneur sur 4 selon une étude que nous avons réalisée auprès des abonnés à notre webmagazine Place des réseaux. Vous pouvez réussir sans réseau, mais vous irez plus vite et plus loin avec. Entreprendre en réseau, c’est chasser en meute, notamment à l’export. C’est mutualiser des ressources humaines et des outils de production. C’est mener des actions de communication à plusieurs. Et tout ceci indépendamment de la taille des entreprises.
Par exemple pour les plus petites : partager un stand dans un salon français ou étranger, partager un directeur informatique ou une salle de réunion, promouvoir les activités des autres membres d’un réseau d’entrepreneurs comme le font les Unions commerciales ou un réseau d’acteurs du tourisme d’un même territoire.
Un réseau, cela sert aussi à partager de l’expérience, des idées. Et mettre en commun des solitudes d’entrepreneurs pour mieux les rompre et les surmonter. Un chef d’entreprise est souvent isolé, surtout quand c’est difficile. Il n’en parle pas à ses collaborateurs pour ne pas les inquiéter et les démotiver. Il n’en parle pas à ses banquiers pour ne pas couper la pompe du crédit. Il n’en parle pas à ses clients pour ne pas mettre en péril une commande. Il n’en parle pas à ses fournisseurs pour ne pas avoir à les payer « au cul du camion ». S’il a un réseau de pairs, avec qui il va pouvoir échanger, comprendre comment ils ont surmonté eux mêmes des difficultés analogues, alors, il lui sera plus facile de trouver des solutions.
Un chef d’entreprise est souvent isolé, surtout quand c’est difficile
Le crowdfunding est-il en train de réinventer l’entrepreneuriat ?
Je ne pense pas que le crowdfunding réinvente l’entrepreneuriat. Il permet d’ajouter un canal de financement, notamment en phase de démarrage.
Le discours d’Alain Bosetti est l’un des plus éclairés et des plus complets que nous puissions avoir sur l’entrepreneuriat, dans un moment où ce fameux “discours” a un taux de bruit très fort et des clichés de startupers qui s’y attachent parfois à mauvais escient. Merci de nous le rappeler en amont du SME – qui est certes, incontournable, mais où le “jouage de coudes” me rebute un peu pour y être fidèle année après année. Mais cette année 2015 sera la bonne, j’irai, et croiser Alain Bosetti reste un moteur fort 😉
tout à fait d’accord avec toi. c’est l’un des meilleurs salons d’entrepreneurs avec des conférences de qualité. Je ne le manque jamais 🙂 On se verra sur place alors !